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répandues dans nos eaux douces. Tous les observateurs ont constaté que les cellules de ces algues ne se divisent normalement qu’à de certaines heures de la journée. Ce premier fait indique bien que la division est soumise à des conditions cosmiques qui, pour nous être inconnues, n’en sont ni moins réelles ni moins actives.

Lorsque M. Strasburger, faisant ses beaux travaux sur la division du Spirogyra orthospira, eut constaté qu’elle s’accomplissait, dans son laboratoire, pendant le mois d’octobre 1874, entre dix heures et minuit, il ne lui vint certainement pas à l’esprit que cette heure était capricieusement choisie par l’algue observée ; il y vit l’influence de certaines conditions de milieu et finit par s’assurer qu’en changeant ces conditions, qu’en plaçant, par exemple, les algues dans une chambre plus froide, il pouvait retarder la division cellulaire jusqu’au lendemain matin, ou même l’empêcher complètement de se produire.

Il est facile de tirer les conclusions de ce fait qui n’est nullement limité à l’algue dont nous venons de parler, mais qui est offert sans exception par tous les organismes vivants : la division de ces organismes, loin d’être spontanée, c’est-à-dire indépendante de toute cause extérieure est, au contraire, directement placée sous la dépendance de toutes les conditions cosmiques. La chaleur, la lumière, l’électricité, etc., sont, sans nul doute, les agents producteurs de cette division ; mais comme la chaleur, la lumière, l’électricité, etc., ne sont que des mouvements moléculaires de la matière qui entoure le corps vivant, nous pouvons dire que celui-ci ne se divise que sous l’influence d’un mouvement matériel qui lui est transmis par le milieu ambiant. Ainsi envisagée, la division de la monère n’offre plus aucun caractère de spontanéité, et ne diffère de la division des corps inorganiques que par la nature des agents provocateurs de la division et par l’intensité de l’action nécessaire pour la déterminer.

Nous pouvons donc conclure de ce qui précède que, pas plus au point de vue de la segmentation qu’à ceux de la nutrition et de la respiration, on ne peut séparer, d’une façon absolue, la monère vivante, des formes inorganiques de la matière. Mais, la monère, représentant une forme de la matière aussi complexe que possible, au point de vue de la composition chimique et de la constitution moléculaire, il est facile de comprendre qu’elle obéisse bien plus facilement aux agents extérieurs à l’influence desquels elle est soumise que toute autre forme de la matière.

Il est un exemple bien vulgaire et qui cependant nous prouve que, eux aussi, les corps dits inanimés sont, dans certaines conditions déterminées, d’une grande sensibilité aux excitations extérieures. Vous êtes dans un appartement, sur votre table est une lampe allumée, quelqu’un ouvre une porte et subitement le verre de la lampe, dont les molécules sont déjà mises en mouvement par la chaleur de la flamme, se brise, se divise en un