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certain nombre de fragments, et cela en un point qui n’est pas le premier venu, qui au contraire, par sa constitution, présente quelque caractère particulier. Lorsque vous voyez votre verre se briser sans qu’il ait, en apparence, reçu le moindre choc, dites-vous qu’il s’est brisé spontanément ? En aucune façon ; vous essayez, pour me servir d’une expression chère à Claude Bernard, « de déterminer » les conditions dans lesquelles le phénomène s’est accompli et la nature de l’agent qui l’a produit. Telle est la conduite que nous devons tenir quand nous voyons la masse protoplasmique d’une monère ou d’une cellule quelconque se diviser. Nous devons chercher à déterminer l’agent producteur de la division, et nous sommes bien certains à l’avance que cet agent ne peut être que de nature physique ou chimique.

Nous avons à examiner maintenant si c’est par la faculté qu’elle possède de se mouvoir, et par celle de sentir, que la monère se distingue des corps non vivants.

La monère fait deux ordres de mouvements : l’un, dont la conséquence est un simple changement de forme ; l’autre, qui a pour résultat le changement de lieu, le déplacement de l’animal. Examinons-les successivement.

En premier lieu, devons-nous considérer la faculté de changer de forme comme appartenant exclusivement à la matière vivante ? Il suffit presque de poser la question pour qu’elle soit résolue. L’examen le moins attentif suffit pour faire reconnaître que le changement de forme de la monère n’est que la conséquence de la dilatation de certaines parties de sa masse ou de la contraction de certaines autres parties. Or, ces phénomènes sont loin de se produire exclusivement dans la matière vivante. Il n’est pas un seul corps inorganique qui ne les manifeste plus ou moins nettement. Prenez dans les mains un morceau de soufre, les craquements qu’il ne tarde pas à faire entendre vous sont un indice certain de la dilatation de sa masse, dilatation produite par l’écartement des molécules qui le constituent. Suivez attentivement ce qui se passe dans un tube étroit remplit de mercure, vous verrez la petite colonne de métal s’allonger et se raccourcir alternativement, en d’autres termes, se dilater ou se contracter, suivant que la température ambiante s’élève ou s’abaisse.

Si, au lieu de prendre un corps à forme très régulière, comme la colonne cylindrique de mercure contenue dans un tube thermométrique, nous prenons un corps à contours très irréguliers et en même temps formé par la juxtaposition de substances différentes, inégalement contractiles ou dilatables, il est incontestable que la dilatation ou la contraction de ce corps seront accompagnées de changements dans sa forme d’autant plus manifestes que l’énergie de la dilatation et de la contraction sera plus considérable et plus différente dans les divers points de la masse ; de telle sorte que sous l’influence de la dilatation ou de la contraction la forme du corps pourra changer du tout au tout. Entre ce corps et la monère il n’existera