Page:Buffon - Œuvres complètes, éd. Lanessan, 1884, tome I, partie 1.pdf/38

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singulière, composée de soleils et de lances à feu ; on tira ensuite des grenades et quelques fusées, et en même temps on jeta par les fenêtres partie des desserts au peuple, quantité de fruits qu’on avait rassemblés pour cet objet, et, entre autres, une fournée entière d’échaudés. Alors les acclamations redoublèrent ; jugez aussi si l’on s’y battit !

» Sur les dix heures, la compagnie monta au château. Elle était précédée de tous les instruments, et suivie de toute la ville en si grand nombre, qu’on eut grande peine à garantir les jardins de l’affluence.

» Le feu était disposé sur un belvédère que vous n’avez pas encore vu, mais que vous pouvez juger propre à la chose, puisqu’il est en vue de la ville et des beaux vallons dont vous avez paru si charmé. Là s’élevait encore une estrade qui soutenait en son milieu une grande pyramide, autour de laquelle était rangé tout l’artifice, que l’on avait préparé plusieurs semaines auparavant, dans l’attente de l’heureuse nouvelle. Il réussit si bien, que j’aurais grande envie de vous le décrire. Imaginez-vous grand nombre de longues et belles fusées, étoiles, aigrettes, grenades, soleils, lances et pots à feu, en un mot tout l’art que vous nous connaissez sur cet article. Il dura plus d’une heure, au bruit des canons et de la mousqueterie, au son de tous les instruments et d’un plus grand nombre d’échos ; après quoi le bal et la collation terminèrent la fête, que l’on célébra encore le lendemain d’aussi bon cœur, mais un peu plus tranquillement. »

M. Humbert-Bazile[1] nous a conservé le récit d’une fête populaire offerte par Buffon à sa belle-fille.

« Les invitations furent nombreuses et envoyées au loin. La noblesse des villes et des campagnes environnantes y répondit avec empressement.

» La fête se célébra dans les jardins ; le peuple de Montbard y fut convié. Les arbres, les boulingrins, les nombreuses terrasses, ce modeste cabinet où M. de Buffon écrivit ses immortels ouvrages, étaient éclairés par mille verres de couleur et des pots enflammés ; la montagne était en feu. Des salles de danse, des distributions de vin et de comestibles, des jeux de mâts de cocagne et d’équilibre donnaient au parc l’aspect le plus pittoresque. Dans les salles des tours, et à l’abri de tentes dressées sous les grands arbres, des musiciens exécutaient des mélodies. Mme de Buffon parut tard ; elle était mise avec richesse et coiffée à la Titus. La fête était pour elle ; elle parut à peine s’en apercevoir, passa dédaigneuse et ennuyée dans le groupe de paysans accourus pour lui rendre hommage, et rentra au château. Elle donnait le bras à Mme de Damas de Cormaillon, qui, du même âge qu’elle, était pour la beauté digne de lui être comparée. La grâce et les heureux à-propos de la seconde firent davantage ressortir la maussade froideur de la première. »

  1. 'Loc. cit.', p. 206.