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matière organique »[1], et que dans chaque espèce animale ou végétale ces unités ont « une aptitude intrinsèque à s’agréger dans la forme de cette espèce, »[2], de même que « dans les atomes d’un sel réside une aptitude intrinsèque à cristalliser d’une façon particulière ». Ce n’est pas là véritablement une solution du problème, mais une constatation indirecte d’un fait qu’il s’agit d’expliquer.

Hypothèse de la pangenèse de Darwin. Darwin a exposé son opinion sous le nom de « Hypothèse provisoire de la pangenèse »[3]. Il part, comme est contraint de le faire tout savant de notre époque, de la cellule ou « unité » à la fois physiologique et morphologique de tous les organismes vivants, et il admet que « ces unités engendrent des petits granules qui se dispersent dans le système entier ; que ces granules, quand ils reçoivent une nutrition suffisante, se multiplient par division spontanée et se développent ultérieurement en cellules semblables à celles dont ils dérivent ». Il propose pour ces granules le nom de « gemmules », et il ajoute : « Émises par toutes les parties du système, ces gemmules se réunissent pour former les éléments sexuels, et leur développement dans la génération suivante constitue un être nouveau ; mais elles peuvent également se transmettre à l’état latent à des générations futures et se développer alors. Ce développement dépend de leur union avec d’autres gemmules pareillement développées, ou des cellules naissantes qui les précèdent dans le cours régulier de la croissance. Je suppose que les gemmules sont émises par chaque unité, non seulement pendant l’état adulte, mais aussi pendant chaque phase du développement ; mais non pas nécessairement pendant toute l’existence de la même unité. Je suppose, enfin, que les gemmules à l’état latent ont une affinité naturelle les unes pour les autres, d’où résulte leur agrégation en bourgeon ou en élément sexuel. Ce ne sont pas les organes reproducteurs ou les bourgeons qui engendrent de nouveaux organismes, mais les unités dont chaque individu est composé. »

À cet exposé si net, je n’ajouterai qu’une seule remarque. Comme il est aujourd’hui bien démontré que toutes les cellules des animaux et des végétaux ne se multiplient que par segmentation et qu’aucune cellule ne naît dans un blastème ou liquide amorphe, on ne peut admettre que les granules de Darwin forment directement des cellules par leur union, ainsi qu’on pourrait le déduire de la citation que je viens de faire ; il faut penser qu’il a voulu dire simplement que ces gemmules pénètrent dans certaines cellules, celles des bourgeons ou celles des organes sexuels, en leur apportant en quelque sorte les caractères de toutes les cellules d’où elles proviennent, c’est-à-dire de toutes les cellules de l’organisme.

Avec cette hypothèse, Darwin explique tous les phénomènes de la généra-

  1. Principes de biologie, t. Ier, p. 217.
  2. Ibid., p. 218.
  3. De la variation des animaux et des plantes à l’état domestique, t. II, p. 369-425.