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casoar en est absolument privé, il est couvert de poils et non de plumes, et ces deux grands oiseaux semblent à plusieurs égards s’approcher des animaux terrestres, tandis que les pingouins et les manchots paraissent faire la nuance entre les oiseaux et les poissons ; en effet, ils ont au lieu d’ailes de petits ailerons que l’on dirait couverts d’écaillés plutôt que de plumes, et qui leur servent de nageoires, avec un gros corps uni et cylindrique à l’arrière duquel sont attachées deux larges rames plutôt que deux pieds ; l’impossibilité d’avancer loin sur terre, la fatigue même de s’y tenir autrement que couché, le besoin, l’habitude d’être presque toujours en mer, tout semble rappeler au genre de vie des animaux aquatiques ces oiseaux informes, étrangers aux régions de l’air qu’ils ne peuvent fréquenter, presque également bannis de celles de la terre, et qui paraissent uniquement appartenir à l’élément des eaux.

» Ainsi entre chacune de ses grandes familles, entre les quadrupèdes, les oiseaux, les poissons, la nature a ménagé des points d’union, des lignes de prolongement par lesquelles tout s’approche, tout se lie, tout se tient ; elle envoie la chauve-souris voleter parmi les oiseaux, tandis qu’elle emprisonne le tatou sous le têt d’un crustacé ; elle a construit le moule du cétacé sur le modèle du quadrupède dont elle a seulement tronqué la forme dans le morse, le phoque, qui de la terre où ils naissent, se plongeant dans l’onde, vont se rejoindre à ces mêmes cétacés comme pour démontrer la parenté universelle de toutes les générations sorties du sein de la mère commune ; enfin elle a produit des oiseaux qui, moins oiseaux par le vol que le poisson volant, sont aussi poissons que lui par l’instinct et la manière de vivre. Telles sont les deux familles des pingouins et des manchots. »

Des remarques analogues figurent en tête de son histoire des phoques, morses et lamantins : « Assemblons, dit-il[1], pour un instant, tous les animaux quadrupèdes, faisons-en un groupe, ou plutôt faisons-en une troupe dont les intervalles et les rangs représentent à peu près la promiscuité ou l’éloignement qui se trouve entre chaque espèce ; plaçons au centre les genres les plus nombreux, et sur les flancs, sur les ailes, ceux qui le sont le moins ; resserrons-les tous dans le plus petit espace afin de les mieux voir, et nous trouverons qu’il n’est pas possible d’arrondir cette enceinte ; que, quoique tous les animaux quadrupèdes tiennent entre eux de plus près qu’ils ne tiennent aux autres êtres, il s’en trouve néanmoins un grand nombre qui font des pointes au dehors et semblent s’élancer pour atteindre à d’autres classes de la nature : les singes tendent à s’approcher de l’homme et s’en approchent en effet de très près ; les chauves-souris sont les singes des oiseaux qu’elles imitent par leur vol ; les porcs-épics, les hérissons, par les tuyaux dont ils sont couverts, semblent nous indiquer que les plumes

  1. Buffon, t. X, p. 1.