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pourraient appartenir à d’autres qu’aux oiseaux ; les tatous par leur têt écailleux s’approchent de la tortue et des crustacés ; les castors par les écailles de leur queue ressemblent aux poissons ; les fourmiliers par leur espèce de bec ou de trompe sans dents et par leur longue langue, nous rappellent encore les oiseaux ; enfin les phoques, les morses et les lamantins font un petit corps à part qui forme la pointe la plus saillante pour arriver aux cétacés. »

À propos des lamantins, il ajoute[1] : « Nous avons dit que la nature semble avoir formé les lamantins pour faire la nuance entre les quadrupèdes amphibies et les cétacés[2] : ces êtres mitoyens, placés au delà des limites de chaque classe, nous paraissent imparfaits, quoiqu’ils ne soient qu’extraordinaires et anormaux ; car en les considérant avec attention, l’on s’aperçoit bientôt qu’ils possèdent tout ce qui leur était nécessaire pour remplir la place qu’ils doivent occuper dans la chaîne des êtres. »

Certes, les analogies signalées par Buffon dans toutes les citations que je viens de faire sont très superficielles et de bien peu d’importance, mais il ne faut pas oublier qu’à l’époque où Buffon les indiquait, l’anatomie comparée n’existait pour ainsi dire pas encore ; on n’avait encore étudié que les formes extérieures des animaux, et lui-même est le premier qui ait eu l’idée de joindre à la description des formes, de la couleur, de la taille, et des organes extérieurs, celle des organes intérieurs. Ce qu’il faut remarquer dans les observations de Buffon c’est, je le répète, la préoccupation constante d’attirer l’esprit du lecteur sur les formes « intermédiaires », et de tirer de ces formes un argument en faveur de l’enchaînement, de la « parenté universelle » des espèces animales. Il ne laisse échapper aucune occasion de parler de la « parenté », de la « filiation » des êtres vivants. « Nous pourrions, dit-il, quelque part[3], prononcer plus affirmativement, si les limites qui séparent les espèces, ou la chaîne qui les unit, nous étaient mieux connues ; mais qui peut avoir suivi la grande filiation de toutes les généalogies dans la nature ! Il faudrait être né avec elle et avoir, pour ainsi dire, des observations contemporaines. C’est beaucoup, dans le court espace qu’il nous est permis de saisir, d’observer ses passages, d’indiquer ses nuances et de soupçonner les transformations infinies qu’elle a pu subir ou faire depuis les temps immenses qu’elle a travaillé ses ouvrages. »

Il me paraît intéressant de noter ici les formes transitoires qu’il signale, d’une part entre les divers groupes de singes, d’autre part entre les singes et l’homme. Il divise les singes en trois grands groupes : Singes, Babouins et Guenons. Après avoir parlé des singes et des babouins, il dit[4] : « Mais

  1. Buffon, t. X, p. 74.
  2. Buffon considérait les cétacés comme des poissons.
  3. Buffon, t. VIII, p. 128.
  4. Ibid., t. X, p. 88.