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quentes migrations de peuples, que les nations se sont mêlées, et que beaucoup d’hommes voyagent et se répandent de tous côtés, il n’est pas étonnant que les races humaines paraissent être moins sujettes au climat, et qu’il se trouve des hommes forts, bien faits et spirituels dans tous les pays. » Il recommande de croiser les chevaux des climats froids avec ceux des climats chauds. « À défaut de chevaux de climats beaucoup plus froids ou plus chauds, il faudra faire venir des étalons anglais ou allemands, ou même des provinces méridionales de la France dans les provinces septentrionales : on gagnera toujours à donner aux juments des chevaux étrangers ; et, au contraire, on perdra beaucoup à laisser multiplier ensemble dans un haras des chevaux de même race, car ils dégénèrent infailliblement et en très peu de temps[1]. » Il faudra, de même, avoir soin de « ne jamais semer les graines dans le terrain qui les a produites[2] ». Pour avoir de belles fleurs, de beaux grains, de bons chiens, de beaux chevaux, « il faut donner aux femelles du pays des mâles étrangers, et réciproquement aux mâles du pays des femelles étrangères », il faut semer les graines dans un terrain différent de celui qui les a produites, « sans cela les grains, les fleurs, les animaux dégénèrent, ou plutôt prennent une si forte teinture du climat, que la matière domine sur la forme et semble l’abâtardir ; l’empreinte reste, mais dégénérée par tous les traits qui ne lui sont pas essentiels ; en mêlant au contraire les races, et surtout en les renouvelant toujours par des races étrangères, la forme semble se perfectionner et la nature se relever et donner tout ce qu’elle peut produire de meilleur ».

Buffon et la sélection artificielle. Ceci nous conduit naturellement à la sélection artificielle. Buffon en donne la formule avec une netteté qui n’a jamais été atteinte par personne. Sans parler des conseils qu’il donne aux éleveurs pour le choix des étalons[3] destinés à la reproduction, il insinue, dans son histoire du chien[4], que quand « par un hasard assez ordinaire à la nature, il se sera trouvé dans quelques individus des singularités ou des variétés apparentes, on aura tâché de les perpétuer en unissant ensemble ces individus singuliers, comme on le fait encore aujourd’hui lorsqu’on veut se procurer de nouvelles races de chiens et d’autres animaux ».

Dans l’histoire du chat, il explique comment on a obtenu par sélection les chats angoras entièrement blancs, ainsi que les lapins blancs, les chèvres blanches, etc. « Le chat sauvage, dit-il[5], a les couleurs dures et le poil un peu rude, comme la plupart des autres animaux sauvages ; devenu domestique, le poil s’est radouci, les couleurs ont varié, et dans le climat favorable

  1. Buffon, t. VIII, p. 499.
  2. Ibid., p. 497.
  3. Ibid., p. 492, 496.
  4. Ibid., p. 589.
  5. Ibid., p. 612.