Page:Buffon - Œuvres complètes, éd. Lanessan, 1884, tome I, partie 1.pdf/447

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s’est assuré du contraire, quant aux hybrides de chardonnerets et de serins, qu’il a vu se multiplier entre eux, et avec les races paternelles et maternelles ; mais M. von Linné ajoute que les enfants de ces bâtards sont stériles, et qu’on n’en a jamais vu produire à la troisième génération ; d’où il conclut qu’on ne peut se dispenser d’admirer les décrets de Dieu, en ce que ces animaux hybrides, quoique pourvus des parties de la génération, ont tant de peine à se reproduire.

» M. Adanson ne juge pas de même de ce fait ; il le rapproche au contraire de celui qu’Aristote raconte, que de son temps, il y avait en Syrie des mulets provenus du cheval avec l’ânesse, qui engendraient tous leurs semblables ; il se sert de ces deux exemples pour prouver qu’il se forme de nouvelles espèces, même dans les animaux les plus composés, qu’on nomme parfaits… Je ne crois pas que beaucoup de naturalistes soient de son avis sur cette mutabilité des espèces, dans les animaux : mais dans les végétaux, la loi de la constance est presque généralement abrogée. On veut, depuis une vingtaine d’années, y substituer le système de la fécondité des hybrides, et établit pour axiome : que les graines d’un individu, étant fécondées par les poussières d’étamines d’une plante d’espèce toute différente, produisent des individus, qui tiennent des deux, et qui, se multipliant par leurs graines, forment une nouvelle espèce. Mais je vais tâcher de faire voir que ce système n’est qu’une suite abusive de la découverte du sexe des plantes. »

Après avoir analysé et justement critiqué les faits auxquels il vient de faire allusion, il ajoute : « Ainsi après avoir condamné en plusieurs points l’observation de Marchand, je ne crois pas pouvoir mieux faire que de dire, comme lui, que les espèces paraissent fixes et immuables, mais que les accidents qui font varier certains individus procurent à d’autres des changements assez considérables pour qu’ils se perpétuent dans leur postérité, qui forme ainsi une race et d’ajouter avec M. de Buffon que les métis nés de l’accouplement de deux individus de races différentes, mais de même espèce, deviennent bien des chefs de nouvelles races ; mais que les hybrides produits par des individus d’espèces différentes sont privés de la faculté de se reproduire. »

On voit, par la fin de cette citation, que non seulement Duchesne est l’adversaire résolu de la mutabilité des espèces, mais qu’encore il a la prétention de chercher en Buffon un appui, n’hésitant pas pour cela à interpréter d’une façon entièrement erronée la manière de voir de l’illustre naturaliste. Il écrit encore, dans l’Avertissement de son livre[1] : « Enfin la quatrième remarque a pour objet d’examiner si les métis et les hybrides, suivent, dans les plantes, les mêmes règles que dans les animaux : la fécondation étrangère, dont j’ai été témoin dans les fraisiers, me porte à discuter ce point si intéressant dans l’histoire naturelle. Je commence par raconter ce que j’ai

  1. Avertissement, p. xij.