Page:Buffon - Œuvres complètes, éd. Lanessan, 1884, tome I, partie 1.pdf/449

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

les conditions de climat, de nourriture, etc., et ils montraient l’impossibilité de délimiter exactement la plupart des espèces animales et végétales.

Adanson transformiste. Le premier naturaliste qui adopta sans restriction les idées de Buffon, le premier après Buffon dont nous pouvons inscrire le nom sur le livre d’or des fondateurs de la doctrine du transformisme et de l’évolution, est un botaniste français, Adanson. Dans un livre fort remarquable, beaucoup attaqué par l’école de Jussieu, paru en 1763, sous le titre de Familles des plantes, Adanson montre la vanité de toutes les classifications adoptées par Linné et Jussieu, il rejette, — et ce fut la cause véritable des haines qu’il souleva, — les classifications soi-disant naturelles de Jussieu, suit le conseil donné par Buffon[1] de tenir compte de tous les caractères pour établir nos classifications, combat énergiquement l’idée de l’immutabilité des espèces et se range à l’opinion de Buffon, en admettant qu’elles varient sous l’influence du croisement et du milieu. « Suivant M. Linnæus (Phil. bot., p. 99), dit-il[2], les espèces de plantes sont naturelles et constantes, parce que leur propagation, soit par graines, soit par bourgeons, n’est qu’une continuation de la même espèce de plante ; car qu’une graine ou un bourgeon soient mis en terre, ils produisent chacun une plante semblable à la mère, dont ils ne sont qu’une continuation. De là on a conclu que les individus meurent, mais que l’espèce ne meurt pas.

» Mais nous croyons devoir faire ici une distinction entre la reproduction qui se fait par graines, et celle qui se fait par bourgeons, ou, ce qui revient au même, par caïeux, par bouture ou par greffe. La reproduction par bourgeons ne produit point de variétés, elle ne fait que continuer l’individu dont ils ont été tirés, et par là elle semble s’opposer à la production de nouvelles espèces dans les plantes ; au lieu que les graines sont la source d’un nombre prodigieux de variétés, souvent si changées, qu’elles peuvent passer pour de nouvelles espèces, surtout lorsqu’elles se multiplient par la même voie des graines, comme on en a plusieurs exemples.

 

» Ces exemples de changements causés par des fécondations étrangères se multiplieront sans doute, à mesure qu’on sera plus attentif à les observer, ou qu’on voudra se les procurer, en fécondant une plante femelle par une mâle d’espèce différente, par exemple, le chanvre par le houblon, l’ortie par le mûrier, le saule par le peuplier, le ricin par le tithymale, pour savoir ce qui proviendrait de ces mélanges. L’observation et l’expérience peuvent seules nous instruire là-dessus.

» Mais il se fait, sans le secours de la fécondation étrangère, dans les plantes qui se reproduisent de graines, des changements semblables, procurés, soit par la fécondation réciproque de deux individus différents en quelque chose,

  1. Voyez plus haut.
  2. Famille des plantes, 1763, Préface, p. cix-cxiv.