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styliste. Il n’est pas étonnant que méconnu des Français, il l’ait été des étrangers.

Je reviens à Lamarck. La première ébauche de sa doctrine du transformisme se trouve dans le discours d’ouverture de son cours sur les animaux invertébrés, prononcé le 21 floréal an VIII, au Muséum d’histoire naturelle de Paris. Je crois utile d’en reproduire ici les principaux traits, pour montrer par quelles phases est passé son système. Le lecteur trouvera encore dans ces pages toutes les idées de Buffon, exprimées presque de la même façon ; il y verra aussi les premiers germes du système qui appartient en propre à Lamarck. Buffon s’était borné à attribuer les transformations et l’évolution des organismes vivants au climat, à la nourriture et aux autres circonstances extérieures, il n’avait pas essayé d’expliquer comment agissent ces circonstances. C’est cette explication que Lamarck cherche à donner et dont il expose la première formule dans son très beau discours.

« Si l’on considère, dit-il[1], la diversité des formes, des masses, des grandeurs et des caractères, que la nature a donnée à ses productions, la variété des organes et des facultés dont elle a enrichi les êtres qu’elle a doués de la vie, on ne peut s’empêcher d’admirer les ressources infinies dont elle sait faire usage pour arriver à son but. Car il semble en quelque sorte que tout ce qu’il est possible d’imaginer ait effectivement lieu ; que toutes les formes, toutes les facultés et tous les modes aient été épuisés dans la formation et la composition de cette immense quantité de productions naturelles qui existent. Mais si l’on examine avec attention les moyens qu’elle paraît employer pour cet objet, l’on sentira que leur puissance et leur fécondité a suffi pour produire tous les effets observés.

» Il paraît, comme je l’ai déjà dit, que du temps et des circonstances favorables sont les deux moyens que la nature emploie pour donner l’existence à toutes ses productions. On sait que le temps n’a point de limite pour elle, et qu’en conséquence, elle l’a toujours à sa disposition.

» Quant aux circonstances dont elle a eu besoin et dont elle se sert encore chaque jour pour varier ses productions, on peut dire qu’elles sont en quelque sorte inépuisables.

» Les principales naissent de l’influence du climat, des variations de température de l’atmosphère et de tous les milieux environnants, de la diversité des lieux, de celle des habitudes, des mouvements, des actions, enfin de celle des moyens de vivre, de se conserver, se défendre, se multiplier, etc. Or, par suite de ces influences diverses, les facultés s’étendent et se fortifient par l’usage, se diversifient par les nouvelles habitudes longtemps conservées ; et insensiblement la conformation, la consistance, en un mot, la nature et l’état des parties ainsi que des organes,

  1. Système des animaux sans vertèbres, Paris, an IX, p. 12 et suiv.