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Lamarck dérive de Buffon. N’est-il pas vrai que presque tout cela est tiré de l’œuvre de Buffon ? Les considérations sur la parenté de tous les organismes, sur l’action des circonstances extérieures, sur l’évolution parallèle de l’organisation et des facultés, sur la rapidité de la multiplication d’autant plus grande que l’animal est plus petit, sur les procédés mis en œuvre par la nature pour limiter le nombre des espèces, etc., viennent en ligne droite de l’Histoire naturelle ; nous les avons déjà transcrites plus haut avec la signature de Buffon. La seule chose qui appartienne en propre à Lamarck, c’est l’explication qu’il donne des procédés à l’aide desquels les circonstances extérieures modifient l’organisation des animaux. Elles font naître des habitudes nouvelles, et ces habitudes déterminent la production d’organes nouveaux.

C’est cette idée que Lamarck développe plus amplement dans sa Philosophie zoologique, qui parut en 1809.

L’espèce d’après Lamarck. Dans ce remarquable ouvrage, il commence par rejeter les caractères de fixité que les élèves de Linné et de Jussieu attribuaient à l’espèce. « L’idée, dit-il[1], qu’on s’était formé de l’espèce parmi les corps vivants, était assez simple, facile à saisir, et semblait confirmée par la constance dans la forme semblable des individus que la reproduction ou la génération perpétuait : telles se trouvent encore pour nous un très grand nombre de ces espèces prétendues que nous voyons tous les jours.

» Cependant, plus nous avançons dans la connaissance des différents corps organisés, dont presque toutes les parties de la surface du globe sont couvertes, plus notre embarras s’accroît pour déterminer ce qui doit être regardé comme espèce et, à plus forte raison, pour limiter et distinguer les genres.

» À mesure qu’on recueille les productions de la nature, à mesure que nos collections s’enrichissent, nous voyons presque tous les vides se remplir et nos lignes de séparation s’effacer. Nous nous trouvons réduits à une détermination arbitraire, qui tantôt nous porte à saisir les moindres différences des variétés pour en former les caractères de ce que nous appelons espèce, et tantôt nous fait déclarer variété de telle espèce des individus un peu différents, que d’autres regardent comme constituant une espèce particulière.

» Je le répète, plus nos collections s’enrichissent, plus nous rencontrons de preuves que tout est plus ou moins nuancé, que les différences remarquables s’évanouissent, et que, le plus souvent, la nature ne laisse à notre disposition, pour établir des distinctions, que des particularités minutieuses et en quelque sorte puériles.

» Que de genres, parmi les animaux et les végétaux, sont d’une étendue telle, que la quantité d’espèces qu’on y rapporte, que l’étude et la détermination de ces espèces y sont maintenant presque impraticables ! Les espèces de ces genres, rangées en séries et rapprochées d’après la considération de

  1. Philosophie zoologique, t. Ier, p. 75.