Page:Buffon - Œuvres complètes, éd. Lanessan, 1884, tome I, partie 1.pdf/461

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

leurs rapports naturels, présentent avec celles qui les avoisinent des différences si légères qu’elles se nuancent, et que ces espèces se confondent, en quelque sorte, les unes avec les autres, ne laissant presque aucun moyen de fixer, par l’expression, les petites différences qui les distinguent.

» Il n’y a que ceux qui se sont longtemps et fortement occupés de la détermination des espèces, et qui ont consulté de riches collections, qui peuvent savoir jusqu’à quel point les espèces, parmi les corps vivants, se fondent les unes dans les autres, et qui ont pu se convaincre que, dans les parties où nous voyons des espèces isolées, cela n’est ainsi que parce qu’il nous en manque d’autres qui en sont plus voisines et que nous n’avons pas encore recueillies.

» Je ne veux pas dire pour cela que les animaux qui existent forment une série très simple et partout également nuancée ; mais je dis qu’ils forment une série rameuse, irrégulièrement graduée et qui n’a point de discontinuité dans ses parties, ou qui, du moins n’en a pas toujours eu, s’il est vrai que par suite de quelques espèces perdues, il s’en trouve quelque part. Il en résulte que les espèces qui déterminent chaque rameau de la série générale, tiennent, au moins d’un côté, à d’autres espèces voisines qui se nuancent avec elles. Voilà ce que l’état bien connu des choses me met maintenant à portée de démontrer. Je n’ai besoin d’aucune hypothèse, ni d’aucune supposition pour cela ; j’en atteste tous les naturalistes observateurs. Non seulement beaucoup de genres, mais des ordres entiers, et quelque fois des classes mêmes, nous présentent déjà des portions presque complètes de l’état de choses que je viens d’indiquer.

» Or, lorsque dans ces cas l’on a rangé les espèces en séries, et qu’elles sont toutes bien placées suivant leurs rapports naturels, si vous en choisissez une, et que, faisant un saut par-dessus plusieurs autres, vous en prenez une autre plus éloignée, ces deux espèces, mises en comparaison, nous offriront alors de grandes dissemblances entre elles. C’est ainsi que nous avons commencé à voir les productions de la nature, qui se sont trouvées le plus à notre portée. Alors les distinctions génériques et spécifiques étaient faciles à établir. Mais maintenant que nos collections sont fort riches, si vous suivez la série que je citais tout à l’heure, depuis l’espèce que vous avez choisie d’abord, jusqu’à celle que vous avez prise en second lieu, et qui est très différente de la première, vous y arrivez de nuance en nuance, sans avoir remarqué des distinctions dignes d’être notées.

» Je le demande : quel est le zoologiste ou le botaniste expérimenté, qui n’est pas pénétré du fondement de ce que je viens d’exposer ? »

Mode d’action du milieu d’après Lamarck. Lamarck s’efforce ensuite de déterminer comment le milieu a pu agir pour déterminer la transformation des organismes. « Il me semble, dit-il[1], que personne encore n’a fait connaître l’influence de nos actions et de nos habi-

  1. Philosophie zoologique, t. Ier, p. 220.