Page:Buffon - Œuvres complètes, éd. Lanessan, 1884, tome I, partie 1.pdf/81

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« Il m’a paru qu’on peut déduire la cause qui a pu produire la chaleur du soleil des effets naturels, c’est-à-dire la trouver dans la constitution du système du monde : car le soleil ayant à supporter tout le poids, toute l’action de la force pénétrante des vastes corps qui circulent autour de lui, et ayant à souffrir en même temps l’action rapide de cette espèce de frottement intérieur dans toutes les parties de sa masse, la matière qui le compose doit être dans l’état de la plus grande division ; elle a dû devenir et demeurer fluide, lumineuse et brûlante, en raison de cette pression et de ce frottement intérieur, toujours également subsistant. Les mouvements irréguliers des taches du soleil, aussi bien que leur apparition spontanée et leur disparition, démontrent assez que cet astre est liquide, et qu’il s’élève de temps en temps à sa surface des espèces de scories ou d’écumes, dont les unes nagent irrégulièrement sur cette matière en fusion, et dont quelques autres sont fixes pour un temps et disparaissent comme les premières lorsque l’action du feu les a de nouveau divisées. On sait que c’est par le moyen de quelques-unes de ces taches fixes qu’on a déterminé la durée de la rotation du soleil en vingt-cinq jours et demi.

» Or, chaque comète et chaque planète forment une roue dont les raies sont les rayons de la force attractive ; le soleil est l’essieu ou le pivot commun de toutes ces différentes roues ; la comète ou la planète en est la jante mobile, et chacune contribue de tout son poids et de toute sa vitesse à l’embrasement de ce foyer général, dont le feu durera par conséquent aussi longtemps que le mouvement et la pression des vastes corps qui le produisent.

» De là ne doit-on pas présumer que si l’on ne voit pas des planètes autour des étoiles fixes, ce n’est qu’à cause de leur immense éloignement ? Notre vue est trop bornée, nos instruments trop peu puissants pour apercevoir ces astres obscurs, puisque ceux même qui sont lumineux échappent à nos yeux, et que dans le nombre infini de ces étoiles nous ne connaîtrons jamais que celles dont nos instruments de longue vue pourront nous rapprocher ; mais l’analogie nous indique qu’étant fixes et lumineuses comme le soleil, les étoiles ont dû s’échauffer, se liquéfier et brûler par la même cause, c’est-à-dire par la pression active des corps opaques, solides et obscurs qui circulent autour d’elles. Cela seul peut expliquer pourquoi il n’y a que les astres fixes qui soient lumineux, et pourquoi dans l’univers solaire tous les astres errants sont obscurs.

» Et la chaleur produite par cette cause devant être en raison du nombre, de la vitesse et de la masse des corps qui circulent autour du foyer, le feu du soleil doit être d’une ardeur ou plutôt d’une violence extrême, non seulement parce que les corps qui circulent autour de lui sont tous vastes, solides et mus rapidement, mais encore parce qu’ils sont en grand nombre : car, indépendamment des six planètes, de leurs dix satellites et de l’anneau de Saturne, qui tous pèsent sur le soleil et forment un volume de matière deux