Page:Buffon - Œuvres complètes, éd. Lanessan, 1884, tome I, partie 1.pdf/80

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détaché de l’équateur de la planète une quantité considérable de matière, qui aura nécessairement pris la figure d’un anneau, dont le plan doit être à peu près le même que celui de l’équateur de la planète ; et cette partie de matière qui forme l’anneau ayant été détachée de la planète dans le voisinage de l’équateur, Saturne en a été abaissé d’autant sous l’équateur, ce qui fait que, malgré la grande rapidité que nous lui supposons autour de son axe, les diamètres de cette planète peuvent n’être pas aussi inégaux que ceux de Jupiter, qui diffèrent de plus d’une onzième partie. »

Il résume ensuite de la façon suivante[1] son hypothèse et les arguments sur lesquels il l’appuie : « Quelque grande que soit, à mes yeux, la vraisemblance de ce que j’ai dit jusqu’ici sur la formation des planètes et de leurs satellites, comme chacun a sa mesure, surtout pour estimer des probabilités de cette nature, et que cette mesure dépend de la puissance qu’a l’esprit pour combiner des rapports plus ou moins éloignés, je ne prétends pas contraindre ceux qui n’en voudront rien croire. J’ai cru seulement devoir semer ces idées, parce qu’elles m’ont paru raisonnables et propres à éclaircir une matière sur laquelle on n’a jamais rien écrit, quelque important qu’en soit le sujet, puisque le mouvement d’impulsion des planètes entre au moins pour moitié dans la composition du système de l’univers, que l’attraction seule ne peut expliquer. J’ajouterai seulement, pour ceux qui voudraient nier la possibilité de mon système, les questions suivantes :

« 1o N’est-il pas naturel d’imaginer qu’un corps qui est en mouvement ait reçu ce mouvement par le choc d’un autre corps ?

» 2o N’est-il pas très probable que plusieurs corps qui ont la même direction dans leur mouvement ont reçu cette direction par un seul ou par plusieurs coups dirigés dans le même sens ?

» 3o N’est-il pas tout à fait vraisemblable que plusieurs corps, ayant la même direction dans leur mouvement et leur position dans un même plan, n’ont pas reçu cette direction dans le même sens et cette position dans le même plan par plusieurs coups, mais par un seul et même coup ?

» 4o N’est-il pas très probable qu’en même temps qu’un corps reçoit un mouvement d’impulsion, il le reçoive obliquement, et que par conséquent il soit obligé de tourner sur lui-même, d’autant plus vite que l’obliquité du coup aura été plus grande ?

» Si ces questions ne paraissent pas déraisonnables, le système dont nous venons de donner une ébauche cessera de paraître une absurdité. »

En admettant que les planètes sont issues du soleil et qu’elles en sont sorties à l’état d’incandescence pour se refroidir ensuite, tandis que le soleil conserve sa chaleur primitive, Buffon n’ignorait pas qu’il aurait à expliquer la persistance de la chaleur solaire ; il le fait de la façon suivante[2] :

  1. Preuves de la théorie de la terre ; De la formation des planètes, t. Ier, p. 76.
  2. Époques de la nature, t. II, p. 27