Page:Buffon - Œuvres complètes, éd. Lanessan, 1884, tome I, partie 1.pdf/90

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

ticules les moins denses se seront séparées des plus denses et auront formé dans leur attraction mutuelle des globes de différente densité[1], » parmi lesquels « les plus gros et les moins denses sont les plus éloignés, parce qu’ils ont reçu un mouvement d’impulsion plus fort que les plus petits et les plus denses[2]. » Ces corps ont conservé le mouvement d’impulsion qu’ils avaient reçu de la comète, modifié d’un côté par l’attraction qu’exerce sur eux le soleil, de l’autre par l’accélération résultant de la poussée que les parties antérieures ont reçu des parties postérieures plus denses, et transformé en un mouvement elliptique autour du soleil. Quant aux satellites des planètes, ils ont été produits par la violence et l’obliquité du coup porté au soleil par la comète, leur mouvement elliptique étant le produit de la force de l’impulsion modifiée par l’attraction qu’exerce sur eux la planète dont ils ont été détachés. Tous ces globes se sont ensuite graduellement condensés et refroidis ; mais auparavant, sous l’action de la force centrifuge, leur matière encore fluide s’est portée vers l’équateur qui s’est renflé, tandis que les pôles s’aplatissaient.

Le système de Buffon ne fut, il faut bien le dire, accepté par personne. Grâce à l’autorité de Leibnitz, on s’était déjà habitué, il est vrai, à considérer la terre et les autres planètes comme ayant passé par une phase d’incandescence et de fluidité qui en faisait des soleils refroidis ; mais on avait en cela fait le maximum des concessions possibles à cette époque, et personne ne voulait accepter l’idée que la terre et les planètes eussent fait partie du soleil. On traita l’hypothèse de Buffon d’invraisemblable ; on railla sa comète ; on lui contesta la priorité de ses vues ; mais il ne vint à la pensée de personne de distinguer dans son système les deux parties qui le composent : l’une vraie, celle qui considère les planètes comme ayant fait partie du soleil ; l’autre fausse, moins importante que la première, dont elle n’est que l’explication hypothétique, celle qui attribue la séparation des planètes au choc d’une comète contre le soleil.

Malgré la justesse d’un certain nombre des critiques qui furent adressées à sa théorie, Buffon n’y renonça pas. Il la reproduisit même trente ans plus tard, dans ses Époques de la nature, sinon avec la même assurance, du moins

    d’une balle de mousquet, nous supposons qu’on ait tiré une fusée volante où l’action du feu serait durable et accélérerait beaucoup le mouvement d’impulsion, cette fusée, ou plutôt la cartouche qui la contient, ne reviendrait pas au même point, comme la balle du mousquet, mais décrirait un orbe dont le périgée serait d’autant plus éloigné de la terre que la force d’accélération aurait été plus grande et aurait changé davantage la première direction, toutes choses étant supposées égales d’ailleurs. Ainsi, pourvu qu’il y ait eu de l’accélération dans le mouvement d’impulsion communiqué au torrent de matière par la chute de la comète, il est très possible que les planètes, qui se sont formées dans ce torrent, aient acquis le mouvement que nous leur connaissons dans des cercles ou des ellipses dont le soleil est le centre ou le foyer. » (Ibid., t. Ier, p. 72.)

  1. Ibid., t. Ier, p. 73.
  2. Ibid., t. Ier, p. 73.