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de l’air, qu’il y a d’inégalités sur la surface de la terre. Nous ne pouvons donc donner sur cela que des exemples, et rapporter les faits qui sont avérés ; et comme nous manquons d’observations suivies sur la variation des vents, et même sur celle des saisons dans les différents pays, nous ne prétendons pas expliquer toutes les causes de ces différences, et nous nous bornerons à indiquer celles qui nous paraîtront les plus naturelles et les plus probables.

Dans les détroits, sur toutes les côtes avancées, à l’extrémité et aux environs de tous les promontoires, des presqu’îles et des caps, et dans tous les golfes étroits, les orages sont fréquents ; mais il y a outre cela des mers beaucoup plus orageuses que d’autres. L’Océan Indien, la mer du Japon, la mer Magellanique, celle de la côte d’Afrique au delà des Canaries, et de l’autre côté vers la terre de Natal, la mer Rouge, la mer Vermeille, sont toutes fort sujettes aux tempêtes ; l’Océan Atlantique est aussi plus orageux que le Grand Océan, qu’on a appelé, à cause de sa tranquillité, mer Pacifique ; cependant cette mer Pacifique n’est absolument tranquille qu’entre les tropiques et jusqu’au quart environ des zones tempérées ; et plus on approche des pôles, plus elle est sujette à des vents variables dont le changement subit cause souvent des tempêtes.

Tous les continents terrestres sont sujets à des vents variables qui produisent souvent des effets singuliers : dans le royaume de Cachemire, qui est environné des montagnes du Caucase, on éprouve à la montagne Pire-Penjale des changements soudains ; on passe, pour ainsi dire, de l’été à l’hiver en moins d’une heure ; il y règne deux vents directement opposés, l’un de nord et l’autre de midi, que, selon Bernier, on sent successivement en moins de deux cents pas de distance. La position de cette montagne doit être singulière et mériterait d’être observée. Dans la presqu’île de l’Inde, qui est traversée du nord au sud par les montagnes de Gate, on a l’hiver d’un côté de la montagne, et l’été de l’autre côté dans le même temps, en sorte que sur la côte de Coromandel l’air est serein, et tranquille et fort chaud, tandis qu’à celle de Malabar, quoique sous la même latitude, les pluies, les orages, les tempêtes, rendent l’air aussi froid qu’il peut l’être dans ce climat, et au contraire, lorsqu’on a l’été à Malabar, on a l’hiver à Coromandel. Cette même différence se trouve des deux côtés du cap de Rosalgate en Arabie : dans la partie de la mer qui est au nord du cap, il règne une grande tranquillité, tandis que dans la partie qui est au sud on éprouve de violentes tempêtes. Il en est encore de même dans l’île de Ceylan : l’hiver et les grands vents se font sentir dans la partie septentrionale de l’île, tandis que dans les parties méridionales il fait un très beau temps d’été ; et au contraire, quand la partie septentrionale jouit de la douceur de l’été, la partie méridionale à son tour est plongée dans un air sombre, orageux et pluvieux : cela arrive, non seulement dans plusieurs endroits du continent des Indes, mais aussi dans plusieurs îles : par exemple, à Céram, qui est une longue île dans le voisinage d’Amboine, on a l’hiver dans la partie septentrionale de l’île, et l’été en même temps dans la partie méridionale, et l’intervalle qui sépare les deux saisons n’est pas de trois ou quatre lieues.

En Égypte, il règne souvent pendant l’été des vents du midi qui sont si chauds qu’ils empêchent la respiration ; ils élèvent une si grande quantité de sable, qu’il semble que le ciel est couvert de nuages épais ; ce sable est si fin et il est chassé avec tant de violence, qu’il pénètre partout, et même dans les coffres les mieux fermés : lorsque ces vents durent plusieurs jours ils causent des maladies épidémiques, et souvent elles sont suivies d’une grande mortalité. Il pleut très rarement en Égypte ; cependant tous les ans il y a quelques jours de pluie pendant les mois de décembre, janvier et février ; il s’y forme aussi des brouillards épais qui y sont plus fréquents que les pluies, surtout aux environs du Caire ; ces brouillards commencent au mois de novembre et continuent pendant l’hiver ; ils s’élèvent avant le lever du soleil : pendant toute l’année il tombe une rosée si abondante, lorsque le ciel est serein, qu’on pourrait la prendre pour une petite pluie.