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Dans la Perse, l’hiver commence en novembre et dure jusqu’en mars ; le froid y est assez fort pour y former de la glace, et il tombe beaucoup de neige dans les montagnes et souvent un peu dans les plaines : depuis le mois de mars jusqu’au mois de mai il s’élève des vents qui soufflent avec force et qui ramènent la chaleur ; du mois de mai au mois de septembre le ciel est serein, et la chaleur de la saison est modérée pendant la nuit par des vents frais qui s’élèvent tous les soirs et qui durent jusqu’au lendemain matin, et en automne il se fait des vents qui, comme ceux du printemps, soufflent avec force ; cependant quoique ces vents soient assez violents, il est rare qu’ils produisent des ouragans et des tempêtes ; mais il s’élève souvent pendant l’été, le long du golfe Persique, un vent très dangereux que les habitants appellent Samyel, et qui est encore plus chaud et plus terrible que celui d’Égypte dont nous venons de parler ; ce vent est suffocant et mortel ; son action est presque semblable à celle d’un tourbillon de vapeur enflammée, et on ne peut en éviter les effets lorsqu’on s’y trouve malheureusement enveloppé. Il s’élève aussi sur la mer rouge, en été, et sur les terres de l’Arabie, un vent de même espèce qui suffoque les hommes et les animaux et qui transporte une si grande quantité de sable, que bien des gens prétendent que cette mer se trouvera comblée avec le temps par l’entassement successif des sables qui y tombent. Il y a souvent de ces nuées de sable, en Arabie, qui obscurcissent l’air et qui forment des tourbillons dangereux. À la Vera-Cruz, lorsque le vent de nord souffle, les maisons de la ville sont presque enterrées sous le sable qu’un vent pareil amène : il s’élève aussi des vents chauds en été à Négapatam dans la presqu’île de l’Inde, aussi bien qu’à Pétapouli et à Mazulipatam ; ces vents brûlants, qui font périr les hommes, ne sont heureusement pas de longue durée, mais ils sont violents, et plus ils ont de vitesse et plus ils sont brûlants, au lieu que tous les autres vents rafraîchissent d’autant plus qu’ils ont plus de vitesse ; cette différence ne vient que du degré de chaleur de l’air : tant que la chaleur de l’air est moindre que celle du corps des animaux, le mouvement de l’air est rafraîchissant ; mais, si la chaleur de l’air est plus grande que celle du corps, alors le mouvement de l’air ne peut qu’échauffer et brûler. À Goa, l’hiver, ou plutôt le temps des pluies et des tempêtes, est aux mois de mai, de juin et de juillet : sans cela les chaleurs y seraient insupportables.

Le cap de Bonne-Espérance est fameux par ses tempêtes et par le nuage singulier qui les produit : ce nuage ne parait d’abord que comme une petite tache ronde dans le ciel, et les matelots l’ont appelé Œil-de-bœuf ; j’imagine que c’est parce qu’il se soutient à une très grande hauteur qu’il paraît si petit. De tous les voyageurs qui ont parlé de ce nuage, Kolbe me paraît être celui qui l’a examiné avec le plus d’attention ; voici ce qu’il en dit (t. Ier, p. 224 et suiv.) : « Le nuage qu’on voit sur les montagnes de la Table, ou du Diable, ou du Vent, est composé, si je ne me trompe, d’une infinité de petites particules poussées, premièrement contre les montagnes du cap, qui sont à l’est, par les vents d’est qui règnent pendant presque toute l’année dans la zone torride ; ces particules ainsi poussées sont arrêtées dans leur cours par ces hautes montagnes et se ramassent sur leur côté oriental ; alors elles deviennent visibles et y forment de petits monceaux ou assemblages de nuages, qui, étant incessamment poussés par le vent d’est, s’élèvent au sommet de ces montagnes ; ils n’y restent pas longtemps tranquilles et arrêtés ; contraints d’avancer, ils s’engouffrent entre les collines qui sont devant eux, où ils sont serrés et pressés comme dans une manière de canal ; le vent les presse au-dessous, et les côtés opposés de deux montagnes les retiennent à droite et à gauche ; lorsqu’en avançant toujours ils parviennent au pied de quelque montagne où la campagne est un peu plus ouverte, ils s’étendent, se déploient et deviennent de nouveau invisibles ; mais bientôt ils sont chassés sur les montagnes par les nouveaux nuages qui sont poussés derrière eux, et parviennent ainsi, avec beaucoup d’impétuosité, sur les montagnes les plus hautes du cap, qui sont celles du Vent et de la Table, où règne