Page:Buffon - Œuvres complètes, éd. Lanessan, 1884, tome I, partie 2.pdf/223

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sujette à tous deux ; cependant ils ont des causes bien différentes. Le typhon ne descend pas des nuages comme la première espèce de trombe, il n’est pas uniquement produit par le tournoiement des vents comme l’ouragan, il s’élève de la mer vers le ciel avec une grande violence, et, quoique ces typhons ressemblent aux tourbillons qui s’élèvent sur la terre en tournoyant, ils ont une autre origine. On voit souvent, lorsque les vents sont violents et contraires, les ouragans élever des tourbillons de sable, de terre, et souvent ils enlèvent et transportent dans ce tourbillon les maisons, les arbres, les animaux. Les typhons de mer, au contraire, restent dans la même place, et ils n’ont pas d’autre cause que celle des feux souterrains, car la mer est alors dans une grande ébullition et l’air est si fort rempli d’exhalaisons sulfureuses, que le ciel paraît caché d’une croûte couleur de cuivre, quoiqu’il n’y ait aucun nuage et qu’on puisse voir à travers ces vapeurs le soleil et les étoiles : c’est à ces feux souterrains qu’on peut attribuer la tiédeur de la mer de la Chine en hiver, où ces typhons sont très fréquents. (Voyez Acta erud. Lips. Suppl., t. Ier, p. 405.)

Nous allons donner quelques exemples de la manière dont ils se produisent : Voici ce que dit Thévenot dans son Voyage du Levant : « Nous vîmes des trombes dans le golfe Persique entre les îles Quésomo, Laréca et Ormus. Je crois que peu de personnes ont considéré les trombes avec toute l’attention que j’ai faite dans la rencontre dont je viens de parler, et peut-être qu’on n’a jamais fait les remarques que le hazard m’a donné lieu de faire ; je les exposerai avec toute la simplicité dont je fais profession dans tout le récit de mon voyage, afin de rendre les choses plus sensibles et plus aisées à comprendre.

» La première qui parut à nos yeux était du côté du nord ou tramontane, entre nous et l’île Quésomo, à la portée d’un fusil du vaisseau ; nous avions alors la proue à grec-levant ou nord-est. Nous aperçûmes d’abord en cet endroit l’eau qui bouillonnait et était élevée de la surface de la mer d’environ un pied ; elle était blanchâtre, et au-dessus paraissait comme une fumée noire un peu épaisse, de manière que cela ressemblait proprement à un tas de paille où l’on aurait mis le feu, mais qui ne ferait encore que fumer ; cela faisait un bruit sourd semblable à celui d’un torrent qui court, avec beaucoup de violence, dans un profond vallon ; mais ce bruit était mêlé d’un autre un peu plus clair, semblable à un fort sifflement de serpents ou d’oies ; un peu après nous vîmes comme un canal obscur qui avait assez de ressemblance à une fumée qui va montant aux nues en tournant avec beaucoup de vitesse, et ce canal paraissait gros comme le doigt, et le même bruit continuait toujours. Ensuite la lumière nous en ôta la vue, et nous connûmes que cette trombe était finie, parce que nous vîmes que cette trombe ne s’élevait plus, et ainsi la durée n’avait pas été de plus d’un demi-quart d’heure. Celle-là finie, nous en vîmes une autre du côté du midi, qui commença de la même manière qu’avait fait la précédente ; presque aussitôt il s’en fit une semblable à côté de celle-ci vers le couchant, et incontinent après une troisième à côté de cette seconde ; la plus éloignée des trois pouvait être à portée du mousquet ; loin de nous, elles paraissaient toutes trois comme trois tas de paille hauts d’un pied et demi ou de deux, qui fumaient beaucoup et faisaient même bruit que la première. Ensuite nous vîmes tout autant de canaux qui venaient depuis les nues sur ces endroits où l’eau était élevée, et chacun de ces canaux était large par le bout qui tenait à la nue, comme le large bout d’une trompette, et faisait la même figure (pour l’expliquer intelligiblement) que peut faire la mamelle ou la tette d’un animal tirée perpendiculairement par quelques poids. Ces canaux paraissaient blancs d’une blancheur blafarde, et je crois que c’était l’eau qui était dans ces canaux transparents qui les faisait paraître blancs ; car apparemment ils étaient déjà formés avant que de tirer de l’eau, selon qu’on peut juger par ce qui suit, et lorsqu’ils étaient vides, ils ne paraissaient pas, de même qu’un canal de verre fort