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par lesquelles cet air et ces vapeurs souterraines peuvent passer, on conçoit bien que, dans le lieu même où se fait la première explosion, le terrain étant soulevé à une hauteur considérable, il est nécessaire que celui qui avoisine ce lieu se divise et se fende horizontalement pour suivre le mouvement du premier, ce qui suffit pour faire des routes qui, de proche en proche, peuvent communiquer le mouvement à une très grande distance : cette explication s’accorde avec tous les phénomènes. Ce n’est pas dans le même instant ni à la même heure qu’un tremblement de terre se fait sentir en deux endroits distants, par exemple, de 100 ou de 200 lieues ; il n’y a point de feu ni d’éruption au dehors par ces tremblements qui s’étendent au loin, et le bruit qui les accompagne presque toujours marque le mouvement progressif de ce vent souterrain. On peut encore confirmer ce que nous venons de dire en le liant avec d’autres faits ; on sait que les mines exhalent des vapeurs : indépendamment des vents produits par le courant des eaux, on y remarque souvent des courants d’un air malsain et de vapeurs suffocantes ; on sait aussi qu’il y a sur la terre des trous, des abîmes, des lacs profonds qui produisent des vents, comme le lac de Boleslaw en Bohème, dont nous avons parlé.

Tout ceci bien entendu, je ne vois pas trop comment on peut croire que les tremblements de terre ont pu produire des montagnes, puisque la cause même de ces tremblements sont des matières minérales et sulfureuses qui ne se trouvent ordinairement que dans les fentes perpendiculaires des montagnes et dans les autres cavités de la terre, dont le plus grand nombre a été produit par les eaux ; que ces matières, en s’enflammant, ne produisent qu’une explosion momentanée et des vents violents qui suivent les routes souterraines des eaux ; que la durée des tremblements n’est en effet que momentanée à la surface de la terre, et que par conséquent leur cause n’est qu’une explosion et non pas un incendie durable, et qu’enfin ces tremblements qui ébranlent un grand espace, et qui s’étendent à des distances très considérables, bien loin d’élever des chaînes de montagnes, ne soulèvent pas la terre d’une quantité sensible et ne produisent pas la plus petite colline dans toute la longueur de leur cours.

Les tremblements de terre sont, à la vérité, bien plus fréquents dans les endroits où sont les volcans qu’ailleurs, comme en Sicile et à Naples. On sait, par les observations faites en différents temps, que les plus violents tremblements de terre arrivent dans le temps des grandes éruptions des volcans ; mais ces tremblements ne sont pas ceux qui s’étendent le plus loin, et ils ne pourraient jamais produire une chaîne de montagnes.

On a quelquefois observé que les matières rejetées de l’Etna, après avoir été refroidies pendant plusieurs années, et ensuite humectées par l’eau des pluies, se sont rallumées et ont jeté des flammes avec une explosion assez violente, qui produisait même une espèce de petit tremblement.

En 1669, dans une furieuse éruption de l’Etna, qui commença le 11 mars, le sommet de la montagne baissa considérablement, comme tous ceux qui avaient vu cette montagne avant cette éruption s’en aperçurent (voyez Trans. Phil. Abr., vol. II, p. 387), ce qui prouve que le feu du volcan vient plutôt du sommet que de la profondeur intérieure de la montagne. Borelli est du même sentiment, et il dit précisément « que le feu des volcans ne vient pas du centre ni du pied de la montagne, mais qu’au contraire il sort du sommet et ne s’allume qu’à une très petite profondeur. » (Voyez Borelli, De incendiis montis Ætnæ.)

Le mont Vésuve a souvent rejeté dans ses éruptions une grande quantité d’eau bouillante. M. Ray, dont le sentiment est que le feu des volcans vient d’une très grande profondeur, dit que c’est de l’eau de la mer qui communique aux cavernes intérieures du pied de cette montagne ; il en donne pour preuve la sécheresse et l’aridité du sommet du Vésuve, et le mouvement de la mer qui, dans le temps de ces violentes éruptions, s’éloigne des côtes, et diminue au point d’avoir laissé quelquefois à sec le port de Naples ; mais,