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plus large s’étend à plus de six lieues, toujours en montant doucement, depuis le point le plus éloigné de la base de la montagne, et cette zone de six lieues de largeur est peuplée et cultivée presque partout. La ville de Catane et plusieurs villages se trouvent dans cette première enceinte, dont la superficie est de plus de deux cent vingt lieues carrées ; tout le fond de ce vaste terrain n’est que de la lave ancienne et moderne qui a coulé des différents endroits de la montagne où se sont faites les explosions des feux souterrains, et la surface de cette lave, mêlée avec les cendres rejetées par ces différentes bouches à feu, s’est convertie en une bonne terre, actuellement semée de grains et plantée de vignobles, à l’exception de quelques endroits où la lave, encore trop récente, ne fait que commencer à changer de nature et présente quelques espaces dénués de terre. Vers le haut de cette zone, on voit déjà plusieurs cratères ou coupes plus ou moins larges et profondes, d’où sont sorties les matières qui ont formé les terrains au-dessous.

La seconde zone commence au-dessous de six lieues (depuis le point le plus éloigné dans la circonférence de la montagne) ; cette seconde zone a environ deux lieues de largeur en montant, la pente en est plus rapide partout que celle de la première zone, et cette rapidité augmente à mesure qu’on s’élève et qu’on s’approche du sommet ; cette seconde zone, de deux lieues de largeur peut avoir en superficie quarante ou quarante-cinq lieues carrées : de magnifiques forêts couvrent toute cette étendue et semblent former un beau collier de verdure à la tête blanche et chenue de ce respectable mont. Le fond du terrain de ces belles forêts n’est néanmoins que de la lave et des cendres converties par le temps en terres excellentes, et ce qui est encore plus remarquable, c’est l’inégalité de la surface de cette zone : elle ne présente partout que des collines, ou plutôt des montagnes, toutes produites par les différentes éruptions du sommet de l’Etna et des autres bouches à feu qui sont au-dessous de ce sommet, et dont plusieurs ont autrefois agi dans cette zone, actuellement couverte de forêts.

Avant d’arriver au sommet, et après avoir passé les belles forêts qui recouvrent la croupe de cette montagne, on traverse une troisième zone où il ne croît que de petits végétaux ; cette région est couverte de neige en hiver, qui fond pendant l’été ; mais ensuite on trouve la ligne de neige permanente, qui marque le commencement de la quatrième zone et s’étend jusqu’au sommet de l’Etna ; ces neiges et ces glaces occupent environ deux lieues en hauteur, depuis la région des petits végétaux jusqu’au sommet, lequel est également couvert de neige et de glace : il est exactement d’une figure conique, et l’on voit dans son intérieur le grand cratère du volcan, duquel il sort continuellement des tourbillons de fumée. L’intérieur de ce cratère est en forme de cône renversé, s’élevant également de tous côtés ; il n’est composé que de cendres et d’autres matières brûlées, sorties de la bouche du volcan, qui est au centre du cratère. L’extérieur de ce sommet est fort escarpé ; la neige y est couverte de cendres, et il y fait un très grand froid. Sur le côté septentrional de cette région de neige, il y a plusieurs petits lacs qui ne dégèlent jamais. En général, le terrain de cette dernière zone est assez égal et d’une même pente, excepté dans quelques endroits, et ce n’est qu’au-dessous de cette région de neige qu’il se trouve un grand nombre d’inégalités, d’éminences et de profondeurs produites par les éruptions, et que l’on voit les collines et les montagnes plus ou moins nouvellement formées et composées de matières rejetées par ces différentes bouches à feu.

Le cratère du sommet de l’Etna, en 1770, avait, selon M. Brydone, plus d’une lieue de circonférence, et les auteurs anciens et modernes lui ont donné des dimensions très différentes ; néanmoins tous ces auteurs ont raison, parce que toutes les dimensions de cette bouche à feu ont changé, et tout ce que l’on doit inférer de la comparaison des différentes descriptions qu’on en a faites, c’est que le cratère, avec ses bords, s’est éboulé quatre fois depuis six ou sept cents ans. Les matériaux dont il est formé retombent dans les entrailles de la montagne, d’où ils sont ensuite rejetés par de nouvelles éruptions qui forment un