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autre cratère, lequel s’augmente et s’élève par degrés jusqu’à ce qu’il retombe de nouveau dans le même gouffre du volcan.

Ce haut sommet de la montagne n’est pas le seul endroit où le feu souterrain ait fait éruption ; on voit dans tout le terrain qui forme les flancs et la croupe de l’Etna, et jusqu’à de très grandes distances du sommet, plusieurs autres cratères qui ont donné passage au feu et qui sont environnés de morceaux de rochers qui en sont sortis dans différentes éruptions. On peut même compter plusieurs collines, toutes formées par l’éruption de ces petits volcans qui environnent le grand ; chacune de ces collines offre à son sommet une coupe ou cratère, au milieu duquel on voit la bouche ou plutôt le gouffre profond de chacun de ces volcans particuliers. Chaque éruption de l’Etna a, produit une nouvelle montagne ; et peut-être, dit M. Brydone, que leur nombre servirait mieux que toute autre méthode à déterminer celui des éruptions de ce fameux volcan.

La ville de Catane, qui est au bas de la montagne, a souvent été ruinée par le torrent des laves qui sont sorties du pied de ces nouvelles montagnes, lorsqu’elles se sont formées. En montant de Catane à Nicolosi, on parcourt douze milles de chemin dans un terrain formé d’anciennes laves et dans lequel on voit des bouches de volcans éteints, qui sont à présent des terres couvertes de blé, de vignobles et de vergers. Les laves qui forment cette région proviennent de l’éruption de ces petites montagnes qui sont répandues partout sur les flancs de l’Etna ; elles sont toutes, sans exception, d’une figure régulière, soit hémisphérique, soit conique ; chaque éruption crée ordinairement une de ces montagnes : ainsi l’action des feux souterrains ne s’élève pas toujours jusqu’au sommet de l’Etna ; souvent ils ont éclaté sur la croupe, et pour ainsi dire jusqu’au pied de cette montagne ardente. Ordinairement chacune de ces éruptions du flanc de l’Etna produit une montagne nouvelle composée des rochers, des pierres et des cendres lancées par la force du feu ; et le volume de ces montagnes nouvelles est plus ou moins énorme, à proportion du temps qu’a duré l’éruption : si elle se fait en peu de jours, elle ne produit qu’une colline d’environ une lieue de circonférence à la base sur trois ou quatre cents pieds de hauteur perpendiculaire ; mais si l’éruption a duré quelques mois, comme celle de 1669, elle produit alors une montagne considérable de deux ou trois lieues de circonférence sur neuf cents ou mille pieds d’élévation, et toutes ces collines enfantées par l’Etna, qui a douze mille pieds de hauteur, ne paraissent être que de petites éminences faites pour accompagner la majesté de la mère montagne.

Dans le Vésuve, qui n’est qu’un très petit volcan en comparaison de l’Etna, les éruptions des flancs de la montagne sont rares et les laves sortent ordinairement du cratère qui est au sommet, au lieu que dans l’Etna les éruptions se sont faites bien plus souvent par les flancs de la montagne que par son sommet, et les laves sont sorties de chacune de ces montagnes formées par des éruptions sur les côtés de l’Etna. M. Brydone dit, d’après M. Recupero, que les masses de pierres lancées par l’Etna s’élèvent si haut qu’elles emploient 21 secondes de temps à descendre et retomber à terre, tandis que celles du Vésuve tombent en 9 secondes, ce qui donne 1 215 pieds pour la hauteur à laquelle s’élèvent les pierres lancées par le Vésuve, et 6 615 pieds pour la hauteur à laquelle montent celles qui sont lancées par l’Etna ; d’où l’on pourrait conclure, si les observations sont justes, que la force de l’Etna est à celle du Vésuve comme 441 sont à 81, c’est-à-dire cinq à six fois plus grande. Et ce qui prouve d’une manière démonstrative que le Vésuve n’est qu’un très faible volcan en comparaison de l’Etna, c’est que celui-ci parait avoir enfanté d’autres volcans plus grands que le Vésuve : « Assez près de la Caverne des Chèvres, dit M. Brydone, on voit deux des plus belles montagnes qu’ait enfantées l’Etna ; chacun des cratères de ces deux montagnes est beaucoup plus large que celui du Vésuve ; ils sont à présent remplis par des forêts de chênes et revêtus jusqu’à une grande profondeur d’un sol très fertile ; le fond du sol est composé de laves dans cette région