Page:Buffon - Œuvres complètes, éd. Lanessan, 1884, tome II, partie 1.pdf/25

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

d’éléphants et d’autres animaux terrestres se présentent à une assez petite profondeur, au lieu que les coquilles et les autres débris des productions de la mer se trouvent enfouies à de plus grandes profondeurs dans l’intérieur de la terre.


Quatrièmes monuments. — On trouve des défenses et des ossements d’éléphants, ainsi que des dents d’hippopotames, non seulement dans les terres du nord de notre continent, mais aussi dans celles du nord de l’Amérique, quoique les espèces de l’éléphant et de l’hippopotame n’existent point dans ce continent du nouveau monde.


Cinquièmes monuments. — On trouve dans le milieu des continents, dans les lieux les plus éloignés des mers, un nombre infini de coquilles, dont la plupart appartiennent aux animaux de ce genre actuellement existants dans les mers méridionales, et dont plusieurs autres n’ont aucun analogue vivant, en sorte que les espèces en paraissent perdues et détruites par des causes jusqu’à présent inconnues.


En comparant ces monuments avec les faits, on voit d’abord que le temps de la formation des matières vitrescibles est bien plus reculé que celui de la composition des substances calcaires[NdÉ 1] ; et il paraît qu’on peut déjà distinguer quatre et même cinq époques dans la plus grande profondeur des temps : la première, où la matière du globe étant en fusion par le feu, la terre a pris sa forme, et s’est élevée sur l’équateur et abaissée sous les pôles par son mouvement de rotation : la seconde, où cette matière du globe s’étant consolidée a formé les grandes masses de matières vitrescibles[NdÉ 2] : la troi-

  1. On croyait autrefois que les « matières vitrescibles » dont parle Buffon, c’est-à-dire les granits et autres roches siliceuses, avaient toutes été formées avant les roches contenant des fossiles ; on admet aujourd’hui qu’une partie au moins des roches granitiques est de formation plus récente. On est même allé plus loin : on a pu supposer et presque démontrer que la plupart de ces roches sont postérieures à l’apparition des êtres vivants sur le globe. « Il est aujourd’hui bien prouvé, écrit Ch. Lyell, que les granits des différentes régions ne sont pas tous de la même date, et qu’il est à peu près impossible de démontrer qu’une quelconque de ces roches soit aussi ancienne que les débris organiques du fossile le plus ancien connu. On admet aussi maintenant que le gneiss et les autres strates cristallines sont des dépôts sédimentaires qui ont subi l’action métamorphique, et que presque toutes ces formations, comme on peut le démontrer, sont postérieures à l’Eoozon canadense, fossile récemment découvert. »

    [Note de Wikisource : Les granits sont des roches issues de la solidification à faible profondeur du magma, et les gneiss du métamorphisme du granit : ce ne sont donc pas des produits de dépôts sédimentaires, contrairement à certaines formations cristallines. L’Eoozon canadense est une formation minérale qui fut prise, à la fin du xixe siècle, pour un fossile d’organisme rudimentaire qui aurait eu plus d’un milliard d’années. On connaît aujourd’hui quelques gneiss et granites bien plus vieux qu’un milliard d’années (gneiss d’Acasta : 3,5-4 milliards d’années) ; ils sont à peu près contemporains de l’apparition de la vie. La difficulté de trouver des roches aussi vieilles empêche de dater plus précisément les origines de la vie.]

    J’ai indiqué dans une note précédente (p. 10) que beaucoup de schistes argileux peuvent avoir une origine animale. Il est probable qu’un certain nombre de roches siliceuses plus pures encore ont une origine analogue, si l’on en juge par l’innombrable quantité de Radiolaires et de Diatomées qui peuplent les eaux douces et salées, sans parler d’un assez grand nombre de végétaux ou d’animaux plus élevés en organisation, qui accumulent dans leur organisme des quantités souvent très considérables de silice.

  2. Les indications contenues dans la note précédente montrent que toutes les grandes masses de « matières vitrescibles », que nous observons à la surface de la terre, ne proviennent pas du refroidissement et de la consolidation du globe, comme le croyait Buffon. Une