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les rayons de la force attractive ; le soleil est l’essieu ou le pivot commun de toutes ces différentes roues ; la comète ou la planète en est la jante mobile, et chacune contribue de tout son poids et de toute sa vitesse à l’embrasement de ce foyer général, dont le feu durera par conséquent aussi longtemps que le mouvement et la pression des vastes corps qui le produisent.

De là ne doit-on pas présumer que si l’on ne voit pas des planètes autour des étoiles fixes, ce n’est qu’à cause de leur immense éloignement ? Notre vue est trop bornée, nos instruments trop peu puissants pour apercevoir ces astres obscurs, puisque ceux même qui sont lumineux échappent à nos yeux, et que dans le nombre infini de ces étoiles nous ne connaîtrons jamais que celles dont nos instruments de longue vue pourront nous rapprocher ; mais l’analogie nous indique qu’étant fixes et lumineuses comme le soleil, les étoiles ont dû s’échauffer, se liquéfier, et brûler par la même cause, c’est-à-dire par la pression active des corps opaques, solides et obscurs qui circulent autour d’elles. Cela seul peut expliquer pourquoi il n’y a que les astres fixes qui soient lumineux, et pourquoi dans l’univers solaire tous les astres errants sont obscurs.

Et la chaleur produite par cette cause devant être en raison du nombre, de la vitesse et de la masse des corps qui circulent autour du foyer, le feu du soleil doit être d’une ardeur ou plutôt d’une violence extrême, non seulement parce que les corps qui circulent autour de lui sont tous vastes, solides et mus rapidement, mais encore parce qu’ils sont en grand nombre : car, indépendamment des six planètes, de leurs dix satellites et de l’anneau de Saturne, qui tous pèsent sur le soleil et forment un volume de matière deux mille fois plus grand que celui de la terre, le nombre des comètes est plus considérable qu’on ne le croit vulgairement : elles seules ont pu suffire pour allumer le feu du soleil avant la projection des planètes, et suffiraient encore pour l’entretenir aujourd’hui. L’homme ne parviendra peut-être jamais à reconnaître les planètes qui circulent autour des étoiles fixes ; mais, avec le temps, il pourra savoir au juste quel est le nombre des comètes dans le système solaire : je regarde cette grande connaissance comme réservée à la postérité. En attendant, voici une espèce d’évaluation qui, quoique bien éloignée d’être précise, ne laissera pas de fixer les idées sur le nombre de ces corps circulant autour du soleil.

En consultant les recueils d’observations, on voit que, depuis l’an 1101 jusqu’en 1766, c’est-à-dire en six cent soixante-cinq années, il y a eu deux cent vingt-huit apparitions de comètes. Mais le nombre de ces astres errants qui ont été remarqués n’est pas aussi grand que celui des apparitions, puisque la plupart, pour ne pas dire tous, font leur révolution en moins de six cent soixante-cinq ans. Prenons donc les deux comètes desquelles seules les révolutions nous sont parfaitement connues, savoir, la comète de 1680,