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tion et celui où elle se disperse subitement en vapeurs, on peut néanmoins assurer que cette différence de temps ne peut pas être plus grande que je l’admets ici.

Ainsi dans ces premières vingt-cinq mille années, le globe terrestre, d’abord lumineux et chaud comme le soleil, n’a perdu que peu à peu sa lumière et son feu : son état d’incandescence a duré pendant deux mille neuf cent trente-six ans, puisqu’il a fallu ce temps pour qu’il ait été consolidé jusqu’au centre ; ensuite les matières fixes dont il est composé sont devenues encore plus fixes en se resserrant de plus en plus par le refroidissement ; elles ont pris peu à peu leur nature et leur consistance telle que nous la reconnaissons aujourd’hui dans la roche du globe et dans les hautes montagnes, qui ne sont en effet composées, dans leur intérieur et jusqu’à leur sommet, que de matières de la même nature[1] : ainsi leur origine date de cette même époque.

C’est aussi dans les premiers trente-sept mille ans que se sont formées par la sublimation toutes les grandes veines et les gros filons de mines où se trouvent les métaux ; les substances métalliques ont été séparées des autres matières vitrescibles par la chaleur longue et constante qui les a sublimées et poussées de l’intérieur de la masse du globe dans toutes les éminences de sa surface, où le resserrement des matières, causé par un plus prompt refroidissement, laissait des fentes et des cavités, qui ont été incrustées et quelquefois remplies par ces substances métalliques que nous y trouvons aujourd’hui[2] : car il faut, à l’égard de l’origine des mines, faire la même distinction que nous avons indiquée pour l’origine des matières vitrescibles et des matières calcaires, dont les premières ont été produites par l’action du feu, et les autres par l’intermède de l’eau. Dans les mines métalliques, les principaux filons ou, si l’on veut, les masses primordiales, ont été produites par la fusion et par la sublimation, c’est-à-dire par l’action du feu ; et les autres mines, qu’on doit regarder comme des filons secondaires et parasites, n’ont été produites que postérieurement par le moyen de l’eau. Ces filons principaux, qui semblent présenter les troncs des arbres métalliques, ayant tous été formés soit par la fusion dans le temps du feu primitif, soit par la sublimation dans les temps subséquents, ils se sont trouvés et se trouvent encore aujourd’hui dans les fentes perpendiculaires des hautes montagnes, tandis que c’est au pied de ces mêmes montagnes que gisent les petit filons, que l’on prendrait d’abord pour les rameaux de ces arbres métalliques, mais dont l’origine est néanmoins bien différente : car ces mines secondaires n’ont pas été formées par le feu, elles ont été produites par l’action successive de l’eau, qui, dans des temps postérieurs aux premiers, a détaché de ces anciens

  1. Voyez ci-après les notes justificatives des faits.
  2. Ibidem.