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le volcan et la mer ne peuvent manquer d’éprouver des secousses fréquentes : mais pourquoi n’y a-t-il aucun endroit du monde où l’on n’ait ressenti, même de mémoire d’homme, quelques tremblements, quelque trépidation, causés par ces mouvements intérieurs de la terre ? Ils sont à la vérité moins violents et bien plus rares dans le milieu des continents éloignés des volcans et des mers ; mais ne sont-ils pas des effets dépendant des mêmes causes ? Pourquoi donc se font-ils ressentir où ces causes n’existent pas, c’est-à-dire dans les lieux où il n’y a ni mers ni volcans ? La réponse est aisée, c’est qu’il y a eu des mers partout et des volcans presque partout ; et que, quoique leurs éruptions aient cessé lorsque les mers s’en sont éloignées, leur feu subsiste et nous est démontré par les sources des huiles terrestres, par les fontaines chaudes et sulfureuses, qui se trouvent fréquemment au pied des montagnes, jusque dans le milieu des plus grands continents : ces feux des anciens volcans, devenus plus tranquilles depuis la retraite des eaux, suffisent néanmoins pour exciter de temps en temps des mouvements intérieurs et produire de légères secousses, dont les oscillations sont dirigées dans le sens des cavités de la terre, et peut-être dans la direction des eaux ou des veines des métaux, comme conducteurs de cette électricité souterraine.

On pourra me demander encore, pourquoi tous les volcans sont situés dans les montagnes ? pourquoi paraissent-ils être d’autant plus ardents que les montagnes sont plus hautes ? quelle est la cause qui a pu disposer ces énormes cheminées dans l’intérieur des murs les plus solides et les plus élevés du globe ? Si l’on bien compris ce que j’ai dit au sujet des inégalités produites par le premier refroidissement, lorsque les matières en fusion se sont consolidées, on sentira que les chaînes des hautes montagnes nous représentent les plus grandes boursouflures qui se sont faites à la surface du globe dans le temps qu’il pris sa consistance[NdÉ 1] : la plupart des monta-

  1. Ainsi que je l’ai fait déjà observer à plusieurs reprises, Buffon commet une erreur en considérant les montagnes comme « les plus grandes boursouflures qui se sont faites à la surface du globe dans le temps qu’il a pris sa consistance». Les principales chaînes de montagnes ont toutes un âge différent : aucune des chaînes actuelles ne date d’une époque aussi reculée que celle de la solidification de la planète. « Les chaînes de montagnes actuellement existantes, dit Lyell, appartiennent à des âges différents, et il en est peu qui doivent l’ensemble de leur présente conformation aux mouvements qui se sont manifestés dans une seule et même époque. Les forces agissant de haut en bas ou de bas en haut qui leur ont donné naissance et qui ont déterminé, dans le cours des siècles, la position variable des continents et des bassins océaniques, ont évidemment transporté leurs points principaux de développement d’une région à une autre, comme les volcans et les tremblements de terre, et sont toutes, dans le fait, le résultat des mêmes opérations intérieures auxquelles donnent lieu la chaleur, l’électricité, le magnétisme et l’affinité chimique. »

    Quant à la situation des volcans dans les régions montagneuses, elle s’explique suffisamment si l’on admet que les montagnes sont des soulèvements produits par l’expansion des vapeurs contenues dans les cavités souterraines, pleines de matières en fusion, qui servent comme de chaudières aux laves. D’après la dilatation des principales roches, on a calculé qu’une masse de grès de 1 600 mètres d’épaisseur, dont la température serait élevée de