Page:Buffon - Œuvres complètes, éd. Lanessan, 1884, tome II, partie 1.pdf/92

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gnes sont donc situées sur des cavités, auxquelles aboutissent les fentes perpendiculaires qui les tranchent du haut en bas : ces cavernes et ces fentes contiennent des matières qui s’enflamment par la seule effervescence, ou qui sont allumées par les étincelles électriques de la chaleur intérieure du globe. Dès que le feu commence à se faire sentir, l’air attiré par la raréfaction en augmente la force et produit bientôt un grand incendie, dont l’effet est de produire à son tour les mouvements et les orages intestins, les tonnerres souterrains et toutes les impulsions, les bruits et les secousses qui précèdent et accompagnent l’éruption des volcans. On doit donc cesser d’être étonné que les volcans soient tous situés dans les hautes montagnes, puisque ce sont les seuls anciens endroits de la terre où les cavités intérieures se soient maintenues, les seuls où ces cavités communiquent de bas en haut, par des fentes qui ne sont pas encore comblées, et enfin les seuls où l’espace vide était assez vaste pour contenir la très grande quantité de matières qui servent d’aliment au feu des volcans permanents et encore subsistants. Au reste, ils s’éteindront comme les autres dans la suite des siècles ; leurs éruptions cesseront ; oserai-je même dire que les hommes pourraient y contribuer ? En coûterait-il autant pour couper la communication d’un volcan avec la mer voisine, qu’il en a coûté pour construire les pyramides d’Égypte ? Ces monuments inutiles d’une gloire fausse et vaine nous apprennent au moins qu’en employant les mêmes forces pour les monuments de sagesse, nous pourrions faire de très grandes choses, et peut-être maîtriser la nature, au point de faire cesser, ou du moins de diriger les ravages du feu comme nous savons déjà par notre art diriger et rompre les efforts de l’eau.

Jusqu’au temps de l’action des volcans, il n’existait sur le globe que trois sortes de matières : 1o les vitrescibles, produites par le feu primitif[NdÉ 1] ; 2o les calcaires, formées par l’intermède de l’eau ; 3o toutes les substances produites par le détriment des animaux et des végétaux ; mais le feu des volcans a donné naissance à des matières d’une quatrième sorte qui souvent participent de la nature des trois autres. La première classe renferme non seulement les matières premières solides et vitrescibles dont la nature n’a

    93° 33 centigrades, soulèverait un lit sus-jacent de roches à une hauteur de 3 mètres. D’après ces données, si l’on suppose qu’une portion déterminée de la croûte terrestre d’une épaisseur de km soit portée de 315° 55 à 426° 66 centigrades, il en résulterait un soulèvement de 300 à 450 mètres. Un abaissement égal de la température amènerait, bien entendu, un affaissement égal. Or cette élévation ou cet abaissement de la température peuvent parfaitement être expliqués par les seules actions chimiques et électriques qui se produisent sans cesse dans le sol. (Voyez mon Introduction.)

    [Note de Wikisource : Le soulèvement des volcans est en réalité plutôt dû à la pression exercée par le magma sur les terrains sus-jacents lors de sa remontée ; surtout, les cônes volcaniques s’accroissent en hauteur par l’injection de magma à leur base, par la solidification des laves émises à leur surface, ou par la consolidation des cendres et des retombées sur leurs flancs.]

  1. Ainsi que je l’ai déjà fait remarquer dans d’autres notes, il n’existe plus, à notre époque, de roches qu’on puisse attribuer « au feu primitif ». Toutes les roches cristallines actuelles se sont formées par transformation des matériaux situés à la surface du globe ou par transformation de matières situées dans la profondeur de la croûte terrestre, sous l’influence des foyers de calorique contenus dans cette croûte.