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plus grandes masses, puisque le granit forme les chaînes de la plupart des montagnes primitives sur tout le globe de la terre ; c’est même cette grande quantité de granit qui a fait penser à quelques naturalistes qu’on devait le regarder comme la pierre primitive de laquelle toutes les autres pierres vitreuses avaient tiré leur origine : je conviens avec eux que le granit a donné naissance à un grand nombre d’autres substances par ses différentes exsudations et décompositions ; mais comme il est lui-même composé de trois ou quatre matières très évidemment reconnaissables, il faut nécessairement admettre la priorité de l’existence de ces mêmes matières, et par cette raison regarder le quartz, le mica, le feldspath et le schorl qu’il contient, comme des substances dont la formation est antérieure à la sienne.

En suivant l’ordre qui nous conduit des substances simples aux matières composées, et toujours en grandes masses, nous avons donc d’abord le quartz, le jaspe, le mica, le feldspath et le schorl, que nous regardons comme des matières simples ; ensuite les roches vitreuses, qui ne contiennent que deux de ces cinq premières substances ; après quoi viennent les porphyres et les granits, qui en contiennent trois ou quatre : on verra qu’en général le développement des causes et des effets dans la formation des masses primitives du globe s’est fait dans une succession relative aux différents degrés de leur densité, solidité et fusibilité respectives, et que, de tous les mélanges ou combinaisons qui se sont faites des cinq verres primitifs, celle de la réunion du quartz, du mica, du feldspath et du schorl est non seulement la plus commune, mais qu’elle est tellement universelle et si générale que les granits semblent avoir exclu les résultats de la plupart des autres combinaisons de ces verres primitifs.




DU GRANIT

De toutes les matières produites par le feu primitif, le granit est la moins simple et la plus variée : il est ordinairement composé de quartz, de feldspath, de schorl et de mica : de ces quatre substances primitives, les plus fusibles sont le feldspath et le schorl ; ces verres de nature se fondent sans addition au même degré de feu que nos verres factices, tandis que le quartz résiste au plus grand feu de nos fourneaux ; le feldspath et le schorl sont aussi beaucoup plus fusibles que le mica, auquel il faut appliquer le feu le plus violent pour le réduire en verre ou plutôt en scories spumeuses. Enfin le feldspath et le schorl communiquent la fusibilité aux matières dans lesquelles ils se trouvent mélangés, telles que les porphyres, les ophites et les granits, qui tous peuvent se fondre sans aucune addition ni fondant étranger[1] ; or, ces différents degrés de fusibilité respective dans les

  1. 1o Un morceau de très beau granit rouge très vif, très dur, faisant feu dans tous les points, enfermé dans un petit creuset de Hesse et recouvert d’un autre, a coulé en verre noir en moins de deux heures ;

    2o Un morceau de granit noir et blanc très dur, du poids de cinq gros vingt-deux grains, a formé dans le même temps une seule masse vitreuse noire, très compacte, très homogène ;

    3o Un morceau de porphyre très brun piqué de blanc, très dur, de deux gros vingt-huit grains, a coulé au point d’enduire absolument le creuset de verre noir : ces trois morceaux antiques ont été trouvés à Autun ;

    4o J’ai exposé au même feu de beau quartz blanc d’Auvergne : il y a pris un blanc plus mat, plus opaque, y est devenu plus tendre, plus aisé à égrener au doigt, mais sans aucune fusion, pas même aux endroits où il touchait le creuset. — Lettre de M. de Morveau à M. de Buffon. Dijon, 27 octobre 1778.