Aller au contenu

Page:Buffon - Œuvres complètes, éd. Lanessan, 1884, tome III.djvu/302

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

ils sont descendus en roulant du haut des montagnes dans les vallées. Le quartz et les autres gangues de l’or, entraînés en même temps par le mouvement des eaux, se sont brisés, et ont, par leur frottement, divisé, comminué ces morceaux de métal, qui dès lors se sont trouvés isolés, et se sont arrondis en grains ou atténués en paillettes par la continuité du frottement dans l’eau ; et enfin ces mêmes paillettes, encore plus divisées, ont formé les poudres plus ou moins fines de ce métal : on voit aussi des agrégats assez grossiers de parcelles d’or qui paraissent s’être réunies par la stillation et l’intermède de l’eau, et qui sont plus ou moins mélangées de sables ou de matières terreuses, rassemblées et déposées dans quelque cavité, où ces parcelles métalliques n’ont que peu d’adhésion avec la terre et le sable dont elles sont mélangées ; mais toutes ces petites masses d’or, ainsi que les grains, les paillettes et les poudres de ce métal, tirent également leur origine des mines primordiales, et leur pureté dépend en partie de la grande division que ces grains métalliques ont subie en s’exfoliant et se comminuant par les frottements qu’ils n’ont cessé d’essuyer depuis leur séparation de la mine, jusqu’aux lieux où ils ont été entraînés ; car cet or arraché de ses mines, et roulé dans le sable des torrents, a été choqué et divisé par tous les corps durs qui se sont rencontrés sur sa route ; et plus ces particules d’or ont été atténuées, plus elles auront acquis de pureté en se séparant de tout alliage par cette division mécanique, qui, dans l’or, va, pour ainsi dire, à l’infini : il est d’autant plus pur qu’il est plus divisé, et cette différence se remarque en comparant ce métal en paillettes ou en poudre avec l’or des mines, car il n’est qu’à vingt-deux carats dans les meilleures mines en montagnes, souvent à dix-neuf ou vingt, et quelquefois à seize et même à quatorze, tandis que, communément, l’or en paillettes est à vingt-trois carats, et rarement au-dessous de vingt. Comme ce métal est toujours plus ou moins allié d’argent dans ces mines primordiales, et quelquefois d’argent mêlé d’autres matières métalliques, la très grande division qu’il éprouve par les frottements, lorsqu’il est détaché de sa mine, le sépare de ces alliages naturels, et le rend d’autant plus pur qu’il est réduit en atomes plus petits ; en sorte qu’au lieu du bas aloi que l’or avait dans sa mine, il prend un plus haut titre à mesure qu’il s’en éloigne, et cela par la séparation et, pour ainsi dire, par le départ mécanique de toute matière étrangère.

Il y a donc double avantage à ne recueillir l’or qu’au pied des montagnes et dans les eaux courantes qui en ont entraîné les parties détachées des mines primitives ; ces parties détachées peuvent former, par leur accumulation, des mines secondaires en quelques endroits : l’extraction du métal qui, dans ces sortes de mines, ne sera mêlé que de sable ou de terre, sera bien plus facile que dans les mines primordiales, où l’or se trouve toujours engagé dans le quartz et le roc le plus dur : d’autre côté, l’or de ces mines de seconde formation sera toujours plus pur que le premier ; et, vu la quantité de ce métal dont nous sommes actuellement surchargés, on devrait au moins se borner à ne ramasser que cet or déjà purifié par la nature, et réduit en poudre, en paillettes ou en grains, et seulement dans les lieux où le produit de ce travail seraient évidemment au-dessus de sa dépense.