Page:Buffon - Œuvres complètes, éd. Lanessan, 1884, tome IV, Partie 2.djvu/101

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tion de l’espèce. Que si nous ne pouvons pas concevoir ce développement infini et cette petitesse extrême des individus contenus les uns dans les autres à l’infini, c’est, dit-il, la faute de notre esprit, dont nous reconnaissons tous les jours la faiblesse : il n’en est pas moins vrai que tous les animaux qui ont été, sont et seront, ont été créés tous à la fois, et tous renfermés dans les premières femelles. La ressemblance des enfants à leurs parents ne vient, selon lui, que de l’imagination de la mère ; la force de cette imagination est si grande et si puissante sur le fœtus qu’elle peut produire des taches, des monstruosités, des dérangements de parties, des accroissements extraordinaires, aussi bien que des ressemblances parfaites.

Ce système des œufs, par lequel, comme l’on voit, on ne rend raison de rien, et qui est si mal fondé, aurait cependant emporté les suffrages unanimes de tous les physiciens, si, dans les premiers temps qu’on a voulu l’établir, on n’eût pas fait un autre système fondé sur la découverte des animaux spermatiques.

Cette découverte, qu’on doit à Leeuwenhoek et à Hartsoeker, a été confirmée par Andry, Valisnieri, Bourguet, et par plusieurs autres observateurs. Je vais rapporter ce qu’ils ont dit de ces animaux spermatiques qu’ils ont trouvés dans la liqueur séminale de tous les animaux mâles : ils sont en si grand nombre que la semence paraît en être composée en entier, et Leeuwenhoek prétend en avoir vu plusieurs milliers dans une goutte plus petite que le plus petit grain de sable. On les trouve, disent ces observateurs, en nombre prodigieux dans tous les animaux mâles, et on n’en trouve aucun dans les femelles ; mais dans les mâles on les trouve, soit dans la semence répandue au dehors par les voies ordinaires, soit dans celle qui est contenue dans les vésicules séminales qu’on a ouvertes dans des animaux vivants. Il y en a moins dans la liqueur contenue dans les testicules que dans celle des vésicules séminales, parce qu’apparemment la semence n’y est pas encore entièrement perfectionnée. Lorsqu’on expose cette liqueur de l’homme à une chaleur, même médiocre, elle s’épaissit, le mouvement de tous ces animaux cesse assez promptement ; mais si on la laisse refroidir, elle se délaye et les animaux conservent leur mouvement longtemps, et jusqu’à ce que la liqueur vienne à s’épaissir par le dessèchement ; plus la liqueur est délayée, plus le nombre de ces animalcules paraît s’augmenter, et s’augmente en effet au point qu’on peut réduire et décomposer, pour ainsi dire, toute la substance de la semence en petits animaux, en la mêlant avec quelque liqueur délayante, comme avec de l’eau ; et lorsque le mouvement de ces animalcules est prêt à finir, soit à cause de la chaleur, soit par le dessèchement, ils paraissent se rassembler de plus près, et ils ont un mouvement commun de tourbillon dans le centre de la petite goutte qu’on observe, et ils semblent périr tous dans le même instant, au lieu que dans un plus grand volume de liqueur on les voit aisément périr successivement.