Page:Buffon - Œuvres complètes, éd. Lanessan, 1884, tome IV, Partie 2.djvu/109

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moins fortes ; et, pour commencer par le système des vers spermatiques, ne doit-on pas demander à ceux qui les admettent et qui imaginent que ces vers se transforment en hommes, comment ils entendent que se fait cette transformation, et leur objecter que celle des insectes n’a et ne peut avoir aucun rapport avec celle qu’ils supposent ? car le ver qui doit devenir mouche, ou la chenille qui doit devenir papillon, passe par un état mitoyen, qui est celui de la chrysalide, et lorsqu’il sort de la chrysalide, il est entièrement formé, il a acquis sa grandeur totale et toute la perfection de sa forme, et il est dès lors en état d’engendrer ; au lieu que, dans la prétendue transformation du ver spermatique en homme, on ne peut pas dire qu’il y ait un état de chrysalide, et quand même on en supposerait un pendant les premiers jours de la conception, pourquoi la production de cette chrysalide supposée n’est-elle pas un homme adulte et parfait, et qu’au contraire ce n’est qu’un embryon encore informe auquel il faut un nouveau développement ? On voit bien que l’analogie est ici violée et que, bien loin de confirmer cette idée de la transformation du ver spermatique, elle la détruit lorsqu’on prend la peine de l’examiner.

D’ailleurs, le ver qui doit se transformer en mouche vient d’un œuf, cet œuf est le produit de la copulation des deux sexes, de la mouche mâle et de la mouche femelle, et il renferme le fœtus ou le ver qui doit ensuite devenir chrysalide, et arriver enfin à son état de perfection, à son état de mouche, dans lequel seul l’animal a la faculté d’engendrer, au lieu que le ver spermatique n’a aucun principe de génération, il ne vient pas d’un œuf ; et, quand même on accorderait que la semence peut contenir des œufs d’où sortent les vers spermatiques, la difficulté restera toujours la même ; car ces œufs supposés n’ont pas pour principe d’existence la copulation des deux sexes, comme dans les insectes : par conséquent la production supposée, non plus que le développement prétendu des vers spermatiques, ne peuvent être comparés à la production et au développement des insectes, et bien loin que les partisans de cette opinion puissent tirer avantage de la transformation des insectes, elle me paraît au contraire détruire le fondement de leur explication.

Lorsqu’on fait attention à la multitude innombrable des vers spermatiques, et au très petit nombre de fœtus qui en résulte, et qu’on oppose aux physiciens prévenus de ce système la profusion énorme et inutile qu’ils sont obligés d’admettre, ils répondent, comme je l’ai dit, par l’exemple des plantes et des arbres, qui produisent un très grand nombre de graines assez inutilement pour la propagation ou la multiplication de l’espèce, puisque de toutes ces graines il n’y en a que fort peu qui produisent des plantes et des arbres, et que tout le reste semble être destiné à l’engrais de la terre ou à la nourriture des animaux ; mais cette comparaison n’est pas tout à fait juste, parce qu’il est de nécessité absolue que tous les vers spermatiques