Page:Buffon - Œuvres complètes, éd. Lanessan, 1884, tome IV, Partie 2.djvu/111

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Une autre difficulté contre ce système, c’est que non seulement on ne voit pas le fœtus dans les œufs des ovipares avant la conjonction des sexes, mais même on ne voit pas d’œufs dans les vivipares : les physiciens, qui prétendent que le ver spermatique est le fœtus sous une enveloppe, sont au moins assurés de l’existence des vers spermatiques ; mais ceux qui veulent que le fœtus soit préexistant dans l’œuf, non seulement imaginent cette préexistence, mais même ils n’ont aucune preuve de l’existence de l’œuf ; au contraire, il y a probabilité presque équivalente à la certitude que ces œufs n’existent pas dans les vivipares, puisqu’on a fait des milliers d’expériences pour tâcher de les découvrir, et qu’on n’a jamais pu les trouver.

Quoique les partisans du système des œufs ne s’accordent point au sujet de ce que l’on doit regarder comme le vrai œuf dans les testicules des femelles, ils veulent cependant tous que la fécondation se fasse immédiatement dans ce testicule qu’ils appellent l’ovaire, sans faire attention que, si cela était, on trouverait la plupart des fœtus dans l’abdomen, au lieu de les trouver dans la matrice ; car le pavillon, ou l’extrémité supérieure de la trompe étant, comme l’on sait, séparée du testicule, les prétendus œufs doivent tomber souvent dans l’abdomen, et on y trouverait souvent des fœtus : or on sait que ce cas est extrêmement rare ; je ne sais pas même s’il est vrai que cela soit jamais arrivé par l’effet que nous supposons, et je pense que les fœtus qu’on a trouvés dans l’abdomen étaient sortis, ou des trompes de la matrice, ou de la matrice même, par quelque accident.

Les difficultés générales et communes aux deux systèmes ont été senties par un homme d’esprit qui me paraît avoir mieux raisonné que tous ceux qui ont écrit avant lui sur cette matière ; je veux parler de l’auteur de la Vénus physique, imprimée en 1745 ; ce traité, quoique fort court, rassemble plus d’idées philosophiques qu’il n’y en a dans plusieurs gros volumes sur la génération. Comme ce livre est entre les mains de tout le monde, je n’en ferai pas l’analyse, il n’en est pas même susceptible ; la précision avec laquelle il est écrit ne permet pas qu’on en fasse un extrait ; tout ce que je puis dire, c’est qu’on y trouvera des vues générales qui ne s’éloignent pas infiniment des idées que j’ai données, et que cet auteur est le premier qui ait commencé à se rapprocher de la vérité dont on était plus loin que jamais depuis qu’on avait imaginé les œufs et découvert les vers spermatiques. Il ne nous reste plus qu’à rendre compte de quelques expériences particulières, dont les unes ont paru favorables et les autres contraires à ces systèmes.

On trouve dans l’Histoire de l’Académie des sciences, année 1701, quelques difficultés proposées par M. Méry contre le système des œufs. Cet habile anatomiste soutenait avec raison que les vésicules qu’on trouve dans les testicules des femelles ne sont pas des œufs, qu’elles sont adhérentes à la substance intérieure du testicule, et qu’il n’est pas possible qu’elles s’en