Page:Buffon - Œuvres complètes, éd. Lanessan, 1884, tome IV, Partie 2.djvu/112

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séparent naturellement, que quand même elles pourraient se séparer de la substance intérieure du testicule elles ne pourraient pas encore en sortir, parce que la membrane commune qui enveloppe tout le testicule est d’un tissu trop serré pour qu’on puisse concevoir qu’une vésicule, ou un œuf rond et mollasse pût s’ouvrir un passage à travers cette forte membrane ; et comme la plus grande partie des physiciens et des anatomistes étaient alors prévenus en faveur du système des œufs, et que les expériences de Graaf leur avaient imposé au point qu’ils étaient persuadés, comme cet anatomiste l’avait dit, que les cicatricules qu’on trouve dans les testicules des femelles étaient les niches des œufs, et que le nombre de ces cicatricules marquait celui des fœtus, M. Méry fit voir des testicules de femme où il y avait une très grande quantité de ces cicatricules, ce qui, dans le système de ces physiciens, aurait supposé dans cette femme une fécondité inouïe. Ces difficultés excitèrent les autres anatomistes de l’Académie, qui étaient partisans des œufs, à faire de nouvelles recherches ; M. Duverney examina et disséqua des testicules de vaches et de brebis ; il prétendit que les vésicules étaient les œufs, parce qu’il y en avait qui étaient plus ou moins adhérentes à la substance du testicule, et qu’on devait croire que dans le temps de la parfaite maturité elles s’en détachaient totalement, puisqu’en introduisant de l’air et en soufflant dans l’intérieur du testicule, l’air passait entre ces vésicules et les parties voisines. M. Méry répondit seulement que cela ne faisait pas une preuve suffisante, puisque jamais on n’avait vu ces vésicules entièrement séparées du testicule : au reste, M. Duverney remarqua sur les testicules le corps glanduleux, mais il ne le reconnut pas pour une partie essentielle et nécessaire à la génération ; il le prit au contraire pour une excroissance accidentelle et parasite, à peu près, dit-il, comme sont sur les chênes les noix de galle, les champignons, etc. M. Littre, dont apparemment la prévention pour le système des œufs était encore plus forte que celle de M. Duverney, prétendit non seulement que les vésicules étaient des œufs, mais même il assura avoir reconnu dans l’une de ces vésicules, encore adhérente et placée dans l’intérieur du testicule, un fœtus bien formé, dans lequel il distingua, dit-il, très bien la tête et le tronc ; il en donna même les dimensions. Mais outre que cette merveille ne s’est jamais offerte qu’à ses yeux, et qu’aucun autre observateur n’a jamais rien aperçu de semblable, il suffit de lire son Mémoire (année 1701, page 111) pour reconnaître combien cette observation est douteuse. Par son propre exposé on voit que la matrice était squirreuse et le testicule entièrement vicié ; on voit que la vésicule ou l’œuf qui contenait le prétendu fœtus était plus petit que d’autres vésicules ou œufs qui ne contenaient rien, etc. Aussi Valisnieri, quoique partisan, et partisan très zélé, du système des œufs, mais en même temps homme très véridique, a-t-il rappelé cette observation de M. Littre et celles de M. Duverney à un examen sévère qu’elles n’étaient pas en état de subir.