Page:Buffon - Œuvres complètes, éd. Lanessan, 1884, tome IV, Partie 2.djvu/119

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objets sont verticaux, a un inconvénient de plus : c’est que les parties les plus pesantes de la liqueur qu’on observe descendent au bas de la goutte par leur poids ; par conséquent il y a trois mouvements, celui du tremblement de la main, celui de l’agitation du fluide par l’action de l’air, et encore celui des parties de la liqueur qui descendent en bas, et il peut résulter une infinité de méprises de la combinaison de ces trois mouvements, dont la plus grande et la plus ordinaire est de croire que de certains petits globules qu’on voit dans ces liqueurs se meuvent par un mouvement qui leur est propre et par leurs propres forces, tandis qu’ils ne font qu’obéir à la force composée de quelques-unes des trois causes dont nous venons de parler.

Lorsqu’on vient de mettre une goutte de liqueur sur le porte-objet du microscope double dont je me suis servi, quoique ce porte-objet soit posé horizontalement, et par conséquent dans la situation la plus avantageuse, on ne laisse pas de voir dans la liqueur un mouvement commun qui entraîne du même côté tout ce qu’elle contient : il faut attendre que le fluide soit en équilibre et sans mouvement pour observer, car il arrive souvent que, comme ce mouvement du fluide entraîne plusieurs globules et qu’il forme une espèce de courant dirigé d’un certain côté, il se fait ou d’un côté ou de l’autre de ce courant, et quelquefois de tous les deux, une espèce de remous qui renvoie quelques-uns de ces globules dans une direction très différente de celle des autres ; l’œil de l’observateur se fixe alors sur ce globule qu’il voit suivre seul une route différente de celle des autres, et il croit voir un animal, ou du moins un corps qui se meut de soi-même, tandis qu’il ne doit son mouvement qu’à celui du fluide ; et, comme les liqueurs sont sujettes à se dessécher et à s’épaissir par la circonférence de la goutte, il faut tâcher de mettre la lentille au-dessus du centre de la goutte, et il faut que la goutte soit assez grosse et qu’il y ait une aussi grande quantité de liqueur qu’il se pourra, jusqu’à ce que l’on s’aperçoive que, si on en prenait davantage, il n’y aurait plus assez de transparence pour bien voir ce qui y est.

Avant que de compter absolument sur les observations qu’on fait, et même avant que d’en faire, il faut bien connaître son microscope ; il n’y en a aucun dans les verres duquel il n’y ait quelques taches, quelques bulles, quelques fils et d’autres défectuosités qu’il faut reconnaître exactement, afin que ces apparences ne se présentent pas comme si c’étaient des objets réels et inconnus ; il faut aussi apprendre à connaître l’effet que fait la poussière imperceptible qui s’attache aux verres du microscope ; on s’assurera du produit de ces deux causes en observant son microscope à vide un grand nombre de fois.

Pour bien observer, il faut que le point de vue ou le foyer du microscope ne tombe pas précisément sur la surface de la liqueur, mais un peu au-dessous. On ne doit pas compter autant sur ce que l’on voit se passer à la surface que sur ce que l’on voit à l’intérieur de la liqueur ; il y a souvent des