Page:Buffon - Œuvres complètes, éd. Lanessan, 1884, tome IV, Partie 2.djvu/125

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saient d’être visibles à leurs extrémités successivement, en sorte que ces queues, diminuant peu à peu par leurs extrémités, disparaissaient enfin entièrement ; c’était alors que les globules cessaient absolument d’avoir un mouvement d’oscillation horizontale, et que leur mouvement progressif était direct, quoiqu’ils eussent toujours un mouvement de balancement vertical, comme le roulis d’un vaisseau : cependant ils se mouvaient progressivement, à peu près en ligne droite, et il n’y en avait aucun qui eût une queue ; ils étaient alors ovales, transparents et tout à fait semblables aux prétendus animaux qu’on voit dans l’eau d’huître au six ou septième jour, et encore plus à ceux qu’on voit dans la gelée de veau rôti au bout du quatrième jour, comme nous le dirons dans la suite en parlant des expériences que M. Needham a bien voulu faire en conséquence de mon système, et qu’il a poussées aussi loin que je pouvais l’attendre de la sagacité de son esprit et de son habileté dans l’art d’observer au microscope.

IX

Entre la dixième et la onzième heure de ces observations, la liqueur étant alors fort fluide, tous ces globules me paraissaient venir du même côté et en foule ; ils traversaient le champ du microscope en moins de quatre secondes de temps ; ils étaient rangés les uns contre les autres, ils marchaient sur une ligne de sept ou huit de front, et se succédaient sans interruption, comme des troupes qui défilent. J’observai ce spectacle singulier pendant plus de cinq minutes, et comme ce courant d’animaux ne finissait point, j’en voulus chercher la source, et ayant remué légèrement mon microscope, je reconnus que tous ces globules mouvants sortaient d’une espèce de mucilage ou de lacis de filaments qui les produisaient continuellement sans interruption, et beaucoup plus abondamment et plus vite que ne les avaient produits les filaments dix heures auparavant : il y avait encore une différence remarquable entre ces espèces de corps mouvants produits dans la liqueur épaisse, et ceux qui étaient produits dans la même liqueur, mais devenue fluide ; c’est que ces derniers ne tiraient point de filets après eux, qu’ils n’avaient point de queue, que leur mouvement était plus prompt, et qu’ils allaient en troupeau comme des moutons qui se suivent. J’observai longtemps le mucilage d’où ils sortaient et où ils prenaient naissance, et je le vis diminuer sous mes yeux et se convertir successivement en globules mouvants, jusqu’à diminution de plus de moitié de son volume ; après quoi la liqueur s’étant trop desséchée, ce mucilage devint obscur dans son milieu, et tous les environs étaient marqués et divisés par de petits filets qui formaient des intervalles carrés à peu près comme un parquet, et ces petits filets paraissaient être formés des corps ou des cadavres de ces globules mouvants qui s’étaient réunis par le dessèchement, non pas en une seule masse, mais en filets longs,