Page:Buffon - Œuvres complètes, éd. Lanessan, 1884, tome IV, Partie 2.djvu/133

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

dont j’ai parlé (exp. viii). Leur mouvement n’était pas brusque, ni incertain, ni fort rapide, mais égal, uniforme et continu dans toutes sortes de directions ; tous ces corps en mouvement étaient à peu près de la même grosseur dans chaque liqueur, mais ils étaient plus gros dans l’une, un peu moins gros dans l’autre, et plus petits dans la troisième ; aucun n’avait de queue, il n’y avait ni filaments ni filets dans cette liqueur où le mouvement de ces petits corps s’est conservé pendant quinze à seize jours ; ils changeaient souvent de figure et semblaient se dévêtir successivement de leur tunique extérieure ; ils devenaient aussi tous les jours plus petits, et je ne les perdis de vue au seizième jour que par leur petitesse extrême ; car le mouvement subsistait toujours lorsque je cessai de les apercevoir.

XXIII

Au mois d’octobre suivant je fis ouvrir un bélier qui était en rut, et je trouvai une assez grande quantité de liqueur séminale dans l’un des épididymes ; l’ayant examiné sur-le-champ au microscope, j’y vis une multitude innombrable de corps mouvants ; ils étaient en si grande quantité que toute la substance de la liqueur paraissait en être composée en entier ; comme elle était trop épaisse pour pouvoir bien distinguer la forme de ces corps mouvants, je la délayai avec un peu d’eau, mais je fus surpris de voir que l’eau avait arrêté tout à coup le mouvement de tous ces corps ; je les voyais très distinctement dans la liqueur, mais ils étaient tous absolument immobiles : ayant répété plusieurs fois cette observation, je m’aperçus que l’eau qui, comme je l’ai dit, délaye très bien les liqueurs séminales de l’homme, du chien, etc., au lieu de délayer la semence du bélier, semblait au contraire la coaguler ; elle avait peine à se mêler avec cette liqueur, ce qui me fit conjecturer qu’elle pouvait être de la nature du suif, que le froid coagule et durcit ; et je me confirmai bientôt dans cette opinion, car ayant fait ouvrir l’autre épididyme où je comptais trouver de la liqueur, je n’y trouvai qu’une matière coagulée, épaissie et opaque ; le peu de temps pendant lequel ces parties avaient été exposées à l’air avait suffi pour refroidir et coaguler la liqueur séminale qu’elles contenaient.

XXIV

Je fis donc ouvrir un autre bélier, et, pour empêcher la liqueur séminale de se refroidir et de se figer, je laissai les parties de la génération dans le corps de l’animal, que l’on couvrait avec des linges chauds ; avec ces précautions il me fut aisé d’observer un très grand nombre de fois la liqueur séminale dans son état de fluidité ; elle était remplie d’un nombre infini de corps en mouvement, ils étaient tous oblongs, et ils se remuaient en tous sens ;