Page:Buffon - Œuvres complètes, éd. Lanessan, 1884, tome IV, Partie 2.djvu/158

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part de la Société royale ; mais dès qu’il eut songé à transformer en hommes ces prétendus animaux spermatiques, il ne parla plus des vaisseaux qu’il avait observés ; et au lieu de les regarder comme les nerfs, les artères et les veines du corps humain déjà tout formés dans la semence, il ne leur attribue pas même la fonction qu’ils ont réellement, qui est de produire ces corps mouvants, et il dit, tome Ier, page 7 : « Quid fiet de omnibus illis particulis seu corpusculis præter illa animalcula semini virili hominum inhærentibus ? Olim et priusquàm hæc scriberem, in ea sententia fui prædictas strias vel vasa ex testiculis principium secum ducere, etc. » ; et dans un autre endroit il dit que, s’il a écrit autrefois quelque chose au sujet de ces vaisseaux qu’on trouve dans la semence, il ne faut y faire aucune attention : en sorte que ces vaisseaux qu’il regardait dans le temps de sa découverte comme les nerfs, les veines et les artères du corps qui devait être formé, ne lui parurent dans la suite que des filaments inutiles, et auxquels il n’attribue aucun usage, auxquels même il ne veut pas qu’on fasse attention.

Nous observerons en troisième lieu que si l’on compare les figures 1, 2, 3 et 4 (pl. 6 et 7), que nous avons fait ici représenter comme elles le sont dans les Transactions philosophiques, avec celles que Leeuwenhoek fit graver plusieurs années après, on y trouve une différence aussi grande qu’elle peut l’être dans des corps aussi peu organisés, surtout les figures 2, 3 et 4 des animaux morts du lapin : il en est de même de ceux du chien, je les ai fait représenter afin qu’on puisse en juger aisément. De tout cela nous pouvons conclure que Leeuwenhoek n’a pas toujours vu les mêmes choses ; que les corps mouvants qu’il regardait comme des animaux lui ont paru sous des formes différentes, et qu’il n’a varié dans ce qu’il en dit que dans la vue d’en faire des espèces constantes d’hommes ou d’animaux. Non seulement il a varié dans le fond de l’observation, mais même sur la manière de la faire, car il dit expressément que toutes les fois qu’il a voulu bien voir les animaux spermatiques, il a toujours délayé cette liqueur avec de l’eau, afin de séparer et diviser davantage la liqueur, et de donner plus de mouvement à ces animalcules (voyez t. III, p. 92 et 93), et cependant il dit dans cette première lettre à milord Brouncker, qu’ayant mêlé de l’eau de pluie en quantité égale avec de la liqueur séminale d’un chien, dans laquelle, lorsqu’il l’examinait sans mélange, il venait de voir une infinité d’animalcules vivants, cette eau qu’il mêla leur causa la mort ; ainsi les premières observations de Leeuwenhoek ont été faites, comme les miennes, sans mélange, et il paraît qu’il ne s’est avisé de mêler de l’eau avec la liqueur que longtemps après, puisqu’il croyait avoir reconnu, par le premier essai qu’il en avait fait, que cette eau faisait périr les animalcules, ce qui cependant n’est point vrai ; je crois seulement que le mélange de l’eau dissout les filaments très promptement, car je n’ai vu que fort peu de ces filaments dans toutes les observations que j’ai faites, lorsque j’avais mêlé de l’eau avec la liqueur.