Page:Buffon - Œuvres complètes, éd. Lanessan, 1884, tome IV, Partie 2.djvu/184

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sexes dans un endroit de cette matrice, comme le sont les fœtus dans quelque endroit de la matrice des vivipares ; au lieu d’être des êtres existant de tout temps, renfermés à l’infini les uns dans les autres, et contenant des millions de millions de fœtus mâles et femelles, les œufs sont au contraire des corps qui se forment du superflu d’une nourriture plus grossière et moins organique que celle qui produit la liqueur séminale et prolifique ; c’est dans les femelles ovipares quelque chose d’équivalent non seulement à la matrice, mais même aux menstrues des vivipares.

Ce qui doit achever de nous convaincre que les œufs doivent être regardés comme des parties destinées par la nature à remplacer la matrice dans les animaux qui sont privés de ce viscère, c’est que ces femelles produisent des œufs indépendamment du mâle. De la même façon que la matrice existe dans les vivipares, comme partie appartenante au sexe féminin, les poules qui n’ont point de matrice ont des œufs qui la remplacent : ce sont plusieurs matrices qui se produisent successivement, et qui existent dans ces femelles nécessairement et indépendamment de l’acte de la génération et de la communication avec le mâle. Prétendre que le fœtus est préexistant dans ces œufs, et que ces œufs sont contenus à l’infini les uns dans les autres, c’est à peu près comme si l’on prétendait que le fœtus est préexistant dans la matrice, et que toutes les matrices étaient renfermées les unes dans les autres, et toutes dans la matrice de la première femelle.

Les anatomistes ont pris le mot œuf dans des acceptions diverses, et ont entendu des choses différentes par ce nom. Lorsque Harvey a pris pour devise : Omnia ex ovo, il entendait par l’œuf des vivipares le sac qui renferme le fœtus et tous ses appendices ; il croyait avoir vu se former cet œuf ou ce sac sous ses yeux après la copulation du mâle et de la femelle ; cet œuf ne venait pas de l’ovaire ou du testicule de la femelle ; il a même soutenu qu’il n’avait pas remarqué la moindre altération à ce testicule, etc. On voit bien qu’il n’y a rien ici qui soit semblable à ce que l’on entend ordinairement par le mot d’œuf, si ce n’est que la figure d’un sac peut être celle d’un œuf, comme celle d’un œuf peut être celle d’un sac. Harvey, qui a disséqué tant de femelles vivipares, n’a, dit-il, jamais aperçu d’altération aux testicules ; il les regarde même comme de petites glandes qui sont tout à fait inutiles à la génération (voyez Harvey, Exercit., 64 et 65), tandis que ces testicules sont des parties fort considérables dans la plupart des femelles, et qu’il y arrive des changements et des altérations très marquées, puisqu’on peut voir dans les vaches croître le corps glanduleux depuis la grosseur d’un grain de millet jusqu’à celle d’une grosse cerise : ce qui a trompé ce grand anatomiste, c’est que ce changement n’est pas à beaucoup près si marqué dans les biches et dans les daines. Conrad Peyer, qui a fait plusieurs observations sur les testicules des daines, dit : « Exigui quidem sunt damarum testiculi, sed post coïtum fœcundum in alterutro eorum papilla sive tuber-