Page:Buffon - Œuvres complètes, éd. Lanessan, 1884, tome IV, Partie 2.djvu/189

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parce qu’elles répandent au dehors la liqueur séminale qui doit rester dans la matrice pour la formation du fœtus. Aussi voyons-nous que les femmes publiques ne font point d’enfants, ou du moins qu’elles en font bien plus rarement que les autres ; et dans les pays chauds, où elles ont toutes beaucoup plus de tempérament que dans les pays froids, elles sont aussi beaucoup moins fécondes. Mais nous aurons occasion de parler de ceci dans la suite.

Il est naturel de penser que la liqueur séminale, soit du mâle, soit de la femelle, ne doit être féconde que quand elle contient des corps en mouvement ; cependant c’est encore une question, et je serais assez porté à croire que comme ces corps sont sujets à des changements de forme et de mouvement, que ce ne sont que des parties organiques qui se mettent en mouvement selon différentes circonstances, qu’ils se développent, qu’ils se décomposent, ou qu’ils se composent suivant les différents rapports qu’ils ont entre eux, il y a une infinité de différents états de cette liqueur, et que l’état où elle est lorsqu’on y voit ces parties organiques en mouvement n’est peut-être pas absolument nécessaire pour que la génération puisse s’opérer. Le même docteur italien, que nous avons cité, dit qu’ayant observé plusieurs années de suite sa liqueur séminale, il n’y avait jamais vu d’animaux spermatiques pendant toute sa jeunesse, que cependant il avait lieu de croire que cette liqueur était féconde, puisqu’il était devenu pendant ce temps le père de plusieurs enfants, et qu’il n’avait commencé à voir des animaux spermatiques dans cette liqueur que quand il eut atteint le moyen âge, l’âge auquel on est obligé de prendre des lunettes, qu’il avait eu des enfants dans ce dernier temps aussi bien que dans le premier ; et il ajoute qu’ayant comparé les animaux spermatiques de sa liqueur séminale avec ceux de quelques autres, il avait toujours trouvé les siens plus petits que ceux des autres. Il semble que cette observation pourrait faire croire que la liqueur séminale peut être féconde, quoiqu’elle ne soit pas actuellement dans l’état où il faut qu’elle soit pour qu’on y trouve les parties organiques en mouvement ; peut-être ces parties ne prennent-elles du mouvement dans ce cas que quand la liqueur est dans le corps de la femelle ; peut-être le mouvement qui y existe est-il insensible, parce que les molécules organiques sont trop petites.

On peut regarder ces corps organisés qui se meuvent, ces animaux spermatiques, comme le premier assemblage de ces molécules organiques qui proviennent de toutes les parties du corps ; lorsqu’il s’en rassemble une assez grande quantité, elles forment un corps qui se meut et qu’on peut apercevoir au microscope ; mais si elles ne se rassemblent qu’en petite quantité, le corps qu’elles formeront sera trop petit pour être aperçu, et dans ce cas on ne pourra rien distinguer de mouvant dans la liqueur séminale : c’est aussi ce que j’ai remarqué très souvent ; il y a des temps où cette