Page:Buffon - Œuvres complètes, éd. Lanessan, 1884, tome IV, Partie 2.djvu/190

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

liqueur ne contient rien d’animé, et il faudrait une très longue suite d’observations pour déterminer quelles peuvent être les causes de toutes les différences qu’on remarque dans les états de cette liqueur.

Ce que je puis assurer, pour l’avoir éprouvé souvent, c’est qu’en mettant infuser avec de l’eau les liqueurs séminales des animaux dans de petites bouteilles bien bouchées, on trouve au bout de trois ou quatre jours, et souvent plus tôt, dans la liqueur de ces infusions, une multitude infinie de corps en mouvement ; les liqueurs séminales dans lesquelles il n’y a aucun mouvement, aucune partie organique mouvante au sortir du corps de l’animal, en produisent tout autant que celles où il y en a une grande quantité ; le sang, le chyle, la chair et même l’urine, contiennent aussi des parties organiques qui se mettent en mouvement au bout de quelques jours d’infusion dans de l’eau pure ; les germes des amandes de fruits, les graines, le nectareum, le miel et même les bois, les écorces et les autres parties des plantes en produisent aussi de la même façon : on ne peut donc pas douter de l’existence de ces parties organiques vivantes dans toutes les substances animales ou végétales.

Dans les liqueurs séminales, il paraît que ces parties organiques vivantes sont toutes en action : il semble qu’elles cherchent à se développer, puisqu’on les voit sortir des filaments, et qu’elles se forment aux yeux même de l’observateur ; au reste, ces petits corps des liqueurs séminales ne sont cependant pas doués d’une force qui leur soit particulière, car ceux que l’on voit dans toutes les autres substances animales ou végétales, décomposées à un certain point, sont doués de la même force ; ils agissent et se meuvent à peu près de la même façon, et pendant un temps assez considérable ; ils changent de forme successivement pendant plusieurs heures, et même pendant plusieurs jours. Si l’on voulait absolument que ces corps fussent des animaux, il faudrait donc avouer que ce sont des animaux si imparfaits qu’on ne doit tout au plus les regarder que comme des ébauches d’animal, ou bien comme des corps simplement composés des parties les plus essentielles à un animal ; car des machines naturelles, des pompes telles que sont celles qu’on trouve en si grande quantité dans la laite du calmar, qui d’elles-mêmes se mettent en action dans un certain temps, et qui ne finissent d’agir et de se mouvoir qu’au bout d’un autre temps, et après avoir jeté toute leur substance, ne sont certainement pas des animaux, quoique ce soient des êtres organisés, agissants et, pour ainsi dire, vivants, mais leur organisation est plus simple que celle d’un animal ; et si ces machines naturelles, au lieu de n’agir que pendant trente secondes ou pendant une minute tout au plus, agissaient pendant un temps beaucoup plus long, par exemple, pendant un mois ou un an, je ne sais si on ne serait pas obligé de leur donner le nom d’animaux, quoiqu’elles ne parussent pas avoir d’autre mouvement que celui d’une pompe qui agit par elle-même, et que leur