Page:Buffon - Œuvres complètes, éd. Lanessan, 1884, tome IV, Partie 2.djvu/199

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même nourriture surabondante qui précède la production réelle des animaux de cette espèce, et qui n’est qu’un moyen que la nature emploie pour y arriver, comme lorsqu’elle produit les corps glanduleux ou les laites dans les autres espèces d’animaux ; mais cette idée au sujet de la métamorphose des insectes sera développée avec avantage, et soutenue de plusieurs preuves dans notre Histoire des insectes[NdÉ 1].

Lorsque la quantité surabondante de la nourriture organique n’est pas grande, comme dans l’homme et dans la plupart des gros animaux, la génération ne se fait que quand l’accroissement du corps de l’animal est pris, et cette génération se borne à la production d’un petit nombre d’individus ; lorsque cette quantité est plus abondante, comme dans l’espèce des coqs, dans plusieurs autres espèces d’oiseaux, et dans celle de tous les poissons ovipares, la génération se fait avant que le corps de l’animal ait pris son accroissement, et la production de cette génération s’étend à un grand nombre d’individus ; lorsque cette quantité de nourriture organique est encore plus surabondante, comme dans les insectes, elle produit d’abord un grand corps organisé qui retient la constitution intérieure et essentielle de l’animal, mais qui en diffère par plusieurs parties, comme le papillon diffère de la chenille ; et ensuite, après avoir produit d’abord cette nouvelle forme de corps, et développé sous cette forme les organes de la génération, cette génération se fait en très peu de temps, et sa production est un nombre prodigieux d’individus semblables à l’animal qui le premier a préparé cette nourriture organique dont sont composés les petits individus naissants ; enfin, lorsque la surabondance de la nourriture est encore plus grande, et qu’en même temps l’animal a les organes nécessaires à la génération, comme dans l’espèce des pucerons, elle produit d’abord une génération dans tous les individus, et ensuite une transformation, c’est-à-dire, un grand corps organisé, comme dans les autres insectes ; le puceron devient mouche, mais ce dernier corps organisé ne produit rien, parce qu’il n’est en effet que le superflu, ou plutôt le reste de la nourriture organique qui n’avait pas été employée à la production des petits pucerons.

Presque tous les animaux, à l’exception de l’homme, ont chaque année des temps marqués pour la génération : le printemps est pour les oiseaux la saison de leurs amours ; celle du frai des carpes et de plusieurs autres espèces de poissons est le temps de la plus grande chaleur de l’année, comme aux mois de juin et d’août ; celle du frai des brochets, des barbeaux et d’autres espèces de poissons, est au printemps ; les chats se cherchent au mois de janvier, au mois de mai et au mois de septembre ; les chevreuils au mois de décembre, les loups et les renards en janvier, les chevaux en été, les cerfs aux mois de septembre et d’octobre ; presque tous les insectes ne se joignent

  1. Cette Histoire des insectes annoncée par Buffon n’a jamais été publiée.