Page:Buffon - Œuvres complètes, éd. Lanessan, 1884, tome IV, Partie 2.djvu/215

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dans tous les êtres vivants ou végétants ; nous sommes assurés que toutes ces molécules organiques sont également propres à la nutrition, et par conséquent à la reproduction des animaux ou des végétaux. Il n’est donc pas difficile de concevoir que, quand un certain nombre de ces molécules sont réunies, elles forment un être vivant ; la vie étant dans chacune des parties, elle peut se retrouver dans un tout, dans un assemblage quelconque de ces parties. Ainsi les molécules organiques et vivantes étant communes à tous les êtres vivants, elles peuvent également former tel ou tel animal, tel ou tel végétal, selon qu’elles seront arrangées de telle ou telle façon ; or, cette disposition des parties organiques, cet arrangement, dépend absolument de la forme des individus qui fournissent ces molécules ; si c’est un animal qui fournit ces molécules organiques, comme en effet il les fournit dans sa liqueur séminale, elles pourront s’arranger sous la forme d’un individu semblable à cet animal ; elles s’arrangeront en petit, comme elles s’étaient arrangées en grand lorsqu’elles servaient au développement du corps de l’animal : mais ne peut-on pas supposer que cet arrangement ne peut se faire dans de certaines espèces d’animaux, et même de végétaux, qu’au moyen d’un point d’appui ou d’une espèce de base autour de laquelle les molécules puissent se réunir, et que sans cela elles ne peuvent se fixer ni se rassembler, parce qu’il n’y a rien qui puisse arrêter leur activité ? Or, c’est cette base que fournit l’individu de l’autre sexe : Je m’explique.

Tant que ces molécules organiques sont seules de leur espèce, comme elles le sont dans la liqueur séminale de chaque individu, leur action ne produit aucun effet, parce qu’elle est sans réaction ; ces molécules sont en mouvement continuel les unes à l’égard des autres, et il n’y a rien qui puisse fixer leur activité, puisqu’elles sont toutes également animées, également actives ; ainsi il ne se peut faire aucune réunion de ces molécules qui soit semblable à l’animal, ni dans l’une ni dans l’autre des liqueurs séminales des deux sexes, parce qu’il n’y a, ni dans l’une ni dans l’autre, aucune partie dissemblable, aucune partie qui puisse servir d’appui ou de base à l’action de ces molécules en mouvement ; mais lorsque ces liqueurs sont mêlées, alors il y a des parties dissemblables, et ces parties sont les molécules qui proviennent des parties sexuelles : ce sont celles-là qui servent de base et de point d’appui aux autres molécules et qui en fixent l’activité ; ces parties étant les seules qui soient différentes des autres, il n’y a qu’elles seules qui puissent avoir un effet différent, réagir contre les autres et arrêter leur mouvement.

Dans cette supposition, les molécules organiques qui, dans le mélange des liqueurs séminales des deux individus, représentent les parties sexuelles du mâle seront les seules qui pourront servir de base ou de point d’appui aux molécules organiques qui proviennent de toutes les parties du corps de la femelle, et de même les molécules organiques qui, dans ce mélange,