Page:Buffon - Œuvres complètes, éd. Lanessan, 1884, tome IV, Partie 2.djvu/217

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et qui par leur réaction soient capables de fixer le mouvement de ces molécules actives.

Si l’on donne à l’idée du mot sexe toute l’étendue que nous lui supposons ici, on pourra dire que les sexes se trouvent partout dans la nature ; car alors le sexe ne sera que la partie qui doit fournir les molécules organiques différentes des autres, et qui doit servir de point d’appui pour leur réunion. Mais c’est assez raisonner sur une question que je pouvais me dispenser de mettre en avant, que je pouvais aussi résoudre tout d’un coup, en disant que Dieu ayant créé les sexes, il est nécessaire que les animaux se reproduisent par leur moyen. En effet, nous ne sommes pas faits, comme je l’ai dit, pour rendre raison du pourquoi des choses : nous ne sommes pas en état d’expliquer pourquoi la nature emploie presque toujours les sexes pour la reproduction des animaux ; nous ne saurons jamais, je crois, pourquoi ces sexes existent, et nous devons nous contenter de raisonner sur ce qui est, sur les choses telles qu’elles sont, puisque nous ne pouvons remonter au delà qu’en faisant des suppositions qui s’éloignent peut-être autant de la vérité, que nous nous éloignons nous-mêmes de la sphère où nous devons nous contenir, et à laquelle se borne la petite étendue de nos connaissances.

En partant donc du point dont il faut partir, c’est-à-dire, en se fondant sur les faits et sur les observations, je vois que la reproduction des êtres se fait à la vérité de plusieurs manières différentes, mais en même temps je conçois clairement que c’est par la réunion des molécules organiques, renvoyées de toutes les parties de l’individu, que se fait la reproduction des végétaux et des animaux[NdÉ 1]. Je suis assuré de l’existence de ces molécules organiques et actives dans la semence des animaux mâles et femelles, et dans celle des végétaux, et je ne puis pas douter que toutes les générations, de quelque manière qu’elles se fassent, ne s’opèrent par le moyen de la réunion de ces molécules organiques, renvoyées de toutes les parties du corps des individus ; je ne puis pas douter non plus que dans la génération des animaux, et en particulier dans celle de l’homme, ces molécules organiques, fournies par chaque individu mâle et femelle, ne se mêlent dans le temps de la formation du fœtus, puisque nous voyons des enfants qui ressemblent en même temps à leur père et à leur mère ; et ce qui pourrait confirmer ce que j’ai dit ci-dessus, c’est que toutes les parties communes aux deux sexes se mêlent, au lieu que les molécules qui représentent les parties sexuelles ne se mêlent jamais, car on voit tous les jours des enfants avoir, par exemple, les yeux du père et le front ou la bouche de la mère, mais on ne voit jamais qu’il y ait un semblable mélange des parties sexuelles, et il n’arrive pas qu’ils aient, par exemple, les testicules du père et le vagin

  1. Darwin a émis récemment, pour expliquer la perpétration des formes à l’aide de la reproduction, une hypothèse qui ressemble par plus d’un trait à celle de Buffon. (Voyez mon Introduction.) [Note de Wikisource : La théorie de la pangenèse de Darwin est tout aussi caduque que celle de Buffon. Le mécanisme de l’hérédité ne commencera à être compris qu’au début du xxe siècle, lorsqu’on redécouvrira les travaux de Mendel, contemporain de Darwin, et qu’on les reliera avec les observations du noyau et des chromosomes cellulaires.]