Page:Buffon - Œuvres complètes, éd. Lanessan, 1884, tome IV, Partie 2.djvu/22

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mouches est peut-être cent millions de fois plus nombreuse que celle de l’éléphant, et de même, il y a en général plus d’herbes que d’arbres ; plus de chiendent que de chênes ; mais, si l’on compare la quantité d’individus des animaux et des plantes, espèce à espèce, on verra que chaque espèce de plante est plus abondante que chaque espèce d’animal : par exemple, les quadrupèdes ne produisent qu’un petit nombre de petits, et dans des intervalles de temps assez considérables ; les arbres, au contraire, produisent tous les ans une grande quantité d’arbres de leur espèce. On pourra me dire que ma comparaison n’est pas exacte, et que pour la rendre telle il faudrait pouvoir comparer la quantité de graines que produit un arbre avec la quantité de germes que peut contenir la semence d’un animal, et que peut-être on trouverait alors que les animaux sont encore plus abondants en germes que les végétaux ; mais, si l’on fait attention qu’il est possible, en ramassant avec soin toutes les graines d’un arbre, par exemple d’un orme, et en les semant, d’avoir une centaine de milliers de petits ormes de la production d’une seule année, on m’avouera aisément que, quand on prendrait le même soin pour fournir à un cheval toutes les juments qu’il pourrait saillir en un an, les résultats seraient forts différents dans la production de l’animal et dans celle du végétal. Je n’examine donc pas la quantité des germes, premièrement parce que, dans les animaux, nous ne la connaissons pas, et en second lieu parce que, dans les végétaux, il y a peut-être de même des germes séminaux comme dans les animaux, et que la graine n’est point un germe, mais une production aussi parfaite que l’est le fœtus d’un animal, à laquelle, comme à celui-ci, il ne manque qu’un plus grand développement[NdÉ 1].

On pourrait encore m’opposer ici la prodigieuse multiplication de certaines espèces d’insectes, comme celle des abeilles : chaque femelle produit trente ou quarante mille mouches ; mais il faut observer que je parle du général des animaux comparé au général des plantes ; et d’ailleurs cet exemple des abeilles, qui peut-être est celui de la plus grande multiplication que nous connaissions dans les animaux, ne fait pas une preuve contre ce que nous avons dit ; car, de trente ou quarante mille mouches que la mère abeille produit, il n’y en a qu’un très petit nombre de femelles, quinze cents ou deux

    comme l’indique très bien Buffon, les végétaux se multiplient plus rapidement que les animaux et pourquoi les petites espèces des deux règnes se multiplient plus rapidement que les grandes.

  1. Buffon a raison de dire que la graine « n’est point un germe, mais une production aussi parfaite que l’est le fœtus d’un animal ». Il est encore dans le vrai quand il émet l’idée que « dans les végétaux, il y a peut-être de même des germes séminaux comme dans les animaux ». On ne connaissait à son époque que les organes extérieurs de la génération des végétaux. La découverte des cellules mâles et des cellules femelles, et la nature de ces éléments ont pleinement confirmé les prévisions de Buffon et montré qu’au point de vue de la génération comme à tous les autres, les végétaux ne peuvent pas être séparés, d’une manière absolue, des animaux.