Page:Buffon - Œuvres complètes, éd. Lanessan, 1884, tome IV, Partie 2.djvu/222

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pas faire partie dans ce temps, quoique ce soient ces points sanguins qui doivent ensuite former le cœur. Ainsi la formation du sang n’est qu’un changement occasionné dans les liqueurs par le mouvement que la chaleur leur communique, et ce sang se forme même hors du corps de l’animal, dont toute la substance n’est alors qu’une espèce de mucilage, de gelée épaisse, de matière visqueuse et blanche, comme serait de la lymphe épaissie.

L’animal, aussi bien que le placenta, tirent la nourriture nécessaire à leur développement par une espèce d’intussusception, et ils s’assimilent les parties organiques de la liqueur dans laquelle ils nagent ; car on ne peut pas dire que le placenta nourrisse l’animal, pas plus que l’animal nourrit le placenta, puisque si l’un nourrissait l’autre, le premier paraîtrait bientôt diminuer, tandis que l’autre augmenterait, au lieu que tous deux augmentent ensemble. Seulement il est aisé d’observer, comme je l’ai fait sur les œufs, que le placenta augmente d’abord beaucoup plus à proportion que l’animal, et que c’est par cette raison qu’il peut ensuite nourrir l’animal, ou plutôt lui porter de la nourriture, et ce ne peut être que par l’intussusception que ce placenta augmente et se développe.

Ce que nous venons de dire du poulet s’applique aisément au fœtus humain ; il se forme par la réunion des molécules organiques des deux individus qui ont concouru à sa production ; les enveloppes et le placenta sont formés de l’excédent de ces molécules organiques qui ne sont point entrées dans la composition de l’embryon ; il est donc alors renfermé dans un double sac où il y a aussi de la liqueur qui peut-être n’est d’abord, et dans les premiers instants, qu’une portion de la semence du père et de la mère, et comme il ne sort pas de la matrice, il jouit, dans l’instant même de sa formation, de la chaleur extérieure qui est nécessaire à son développement ; elle communique un mouvement aux liqueurs, elle met en jeu tous les organes, et le sang se forme dans le placenta et dans le corps de l’embryon par le seul mouvement occasionné par cette chaleur ; on peut même dire que la formation du sang de l’enfant est aussi indépendante de celui de la mère que ce qui se passe dans l’œuf est indépendant de la poule qui le couve ou du four qui l’échauffe.

Il est certain que le produit total de la génération, c’est-à-dire le fœtus, son placenta, ses enveloppes, croissent tous par intussusception ; car dans les premiers temps le sac qui contient l’œuvre entière de la génération n’est point adhérent à la matrice. On a vu, par les expériences de Graaf sur les femelles des lapins, qu’on peut faire rouler dans la matrice ces globules où est renfermé le produit total de la génération, et qu’il appelait mal à propos des œufs : ainsi dans les premiers temps ces globules, et tout ce qu’ils contiennent, augmentent et s’accroissent par intussusception en tirant la nourriture des liqueurs dont la matrice est baignée ; ils s’y attachent ensuite, d’abord par un mucilage dans lequel, avec le temps, il se forme de petits vaisseaux, comme nous le dirons dans la suite.