Page:Buffon - Œuvres complètes, éd. Lanessan, 1884, tome IV, Partie 2.djvu/225

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parfait dans les testicules, et que l’observation de M. Littre, qui est la seule de cette espèce, a paru fort suspecte ; en troisième lieu, parce qu’il n’est pas impossible que la liqueur séminale de la femelle ne puisse toute seule produire quelquefois des masses organisées, comme des môles, des kystes remplis de cheveux, d’os, de chair, et enfin parce que si l’on veut ajouter foi à toutes les observations des anatomistes, on viendra à croire qu’il peut se former des fœtus dans les testicules des hommes aussi bien que dans ceux des femmes[NdÉ 1] ; car on trouve dans le second volume de l’Histoire de l’ancienne Académie (p. 298) une observation d’un chirurgien qui dit avoir trouvé, dans le scrotum d’un homme, une masse de la figure d’un enfant enfermé dans les membranes ; on y distinguait la tête, les pieds, les yeux, des os et des cartilages. Si toutes ces observations étaient également vraies, il faudrait nécessairement choisir entre les deux hypothèses suivantes, ou que la liqueur séminale de chaque sexe ne peut rien produire toute seule et sans être mêlée avec celle de l’autre sexe, ou que cette liqueur peut produire toute seule des masses irrégulières, quoique organisées ; en se tenant à la première hypothèse, on serait obligé d’admettre, pour expliquer tous les faits que nous venons de rapporter, que la liqueur du mâle peut quelquefois monter jusqu’au testicule de la femelle, et y former, en se mêlant avec la liqueur séminale de la femelle, des corps organisés ; et, de même, que quelquefois la liqueur séminale de la femelle peut, en se répandant avec abondance dans le vagin, pénétrer dans le temps de la copulation jusque dans le scrotum du mâle, à peu près comme le virus vénérien y pénètre souvent ; et que dans ces cas, qui sans doute seraient aussi fort rares, il peut se former un corps organisé dans le scrotum par le mélange de cette liqueur séminale de la femelle avec celle du mâle, dont une partie qui était dans l’urètre aura rebroussé chemin et sera parvenue, avec celle de la femelle, jusque dans le scrotum ; ou bien, si l’on admet l’autre hypothèse, qui me paraît plus vraisemblable, et qu’on suppose que la liqueur séminale de chaque individu ne peut pas, à la vérité, produire toute seule un animal, un fœtus, mais qu’elle puisse produire des masses organisées lorsqu’elle se trouve dans des lieux où ses particules actives peuvent en quelque façon se réunir, et où le produit de cette réunion peut trouver de la nourriture, alors on pourra dire que toutes ces productions osseuses, charnues, chevelues, dans les testicules des femelles et dans le scrotum des mâles, peuvent tirer leur origine de la seule liqueur de l’individu dans lequel elles se trouvent. Mais c’est assez s’arrêter sur des observations dont les faits me paraissent plus incertains qu’inexplicables, car j’avoue que je suis très porté à imaginer que dans de certaines circonstances et dans de certains états la liqueur séminale d’un individu,

  1. On a, dans quelques cas, trouvé des débris de fœtus dans le scrotum de l’homme ; mais cela résulte d’un phénomène de monstruosité et non de ce que le fœtus peut être produit sans œuf dans le testicule du mâle.