Page:Buffon - Œuvres complètes, éd. Lanessan, 1884, tome IV, Partie 2.djvu/232

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six doigts à l’autre ; ou si, par quelque vice, la matière qui doit servir à la formation de ces parties doubles se trouve altérée, il y aura la même altération à la partie droite qu’à la partie gauche. C’est aussi ce qui arrive assez souvent : la plupart des monstres le sont avec symétrie, le dérangement des parties paraît s’être fait avec ordre, et l’on voit par les erreurs même de la nature qu’elle se méprend toujours le moins qu’il est possible.

Cette harmonie de position, qui se trouve dans les parties doubles des animaux, se trouve aussi dans les végétaux : les branches poussent des boutons de chaque côté, les nervures des feuilles sont également disposées de chaque côté de la nervure principale ; et quoique l’ordre symétrique paraisse moins exact dans les végétaux que dans les animaux, c’est seulement parce qu’il y est plus varié ; les limites de la symétrie y sont plus étendues et moins précises ; mais on peut cependant y reconnaître aisément cet ordre et distinguer les parties simples et essentielles de celles qui sont doubles, et qu’on doit regarder comme tirant leur origine des premières. On verra, dans notre Discours sur les végétaux, quelles sont les parties simples et essentielles du végétal, et de quelle manière se fait le premier développement des parties doubles dont la plupart ne sont qu’accessoires.

Il n’est guère possible de déterminer sous quelle forme existent les parties doubles avant leur développement, de quelle façon elles sont pliées les unes sur les autres, et quelle est alors la figure qui résulte de leur position par rapport aux parties simples ; le corps de l’animal, dans l’instant de sa formation, contient certainement toutes les parties qui doivent le composer mais la position relative de ces parties doit être bien différente alors de ce qu’elle le devient dans la suite : il en est de même de toutes les parties de l’animal ou du végétal, prises séparément ; qu’on observe seulement le développement d’une petite feuille naissante, on verra qu’elle est pliée des deux côtés de la nervure principale, que ces parties latérales sont comme superposées, et que sa figure ne ressemble point du tout dans ce temps à celle qu’elle doit acquérir dans la suite. Lorsque l’on s’amuse à plier du papier pour former ensuite, au moyen d’un certain développement, des formes régulières et symétriques, comme des espèces de couronnes, de coffres, de bateaux, etc., on peut observer que les différentes plicatures que l’on fait au papier semblent n’avoir rien de commun avec la forme qui doit en résulter par le développement ; on voit seulement que ces plicatures se font dans un ordre toujours symétrique, et que l’on fait d’un côté ce que l’on vient de faire de l’autre ; mais ce serait un problème au-dessus de la géométrie connue que de déterminer les figures qui peuvent résulter de tous les développements d’un certain nombre de plicatures données. Tout ce qui a immédiatement rapport à la position manque absolument à nos sciences mathématiques ; cet art, que Leibniz appelait analysis situs, n’est pas encore né, et cependant cet art, qui nous ferait connaître les rapports de position entre