Page:Buffon - Œuvres complètes, éd. Lanessan, 1884, tome IV, Partie 2.djvu/233

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les choses, serait aussi utile, et peut-être plus nécessaire aux sciences naturelles, que l’art qui n’a que la grandeur des choses pour objet ; car on a plus souvent besoin de connaître la forme que la matière. Nous ne pouvons donc pas, lorsqu’on nous présente une forme développée, reconnaître ce qu’elle était avant son développement ; et de même, lorsqu’on nous fait voir une forme enveloppée, c’est-à-dire une forme dont les parties sont repliées les unes sur les autres, nous ne pouvons pas juger de ce qu’elle doit produire par tel ou tel développement ; n’est-il donc pas évident que nous ne pouvons juger en aucune façon de la position relative de ces parties repliées qui sont comprises dans un tout qui doit changer de figure en se développant ?

Dans le développement des productions de la nature, non seulement les parties pliées et superposées, comme dans les plicatures dont nous avons parlé, prennent de nouvelles positions, mais elles acquièrent en même temps de l’étendue et de la solidité : puisque nous ne pouvons donc pas même déterminer au juste le résultat du développement simple d’une forme enveloppée, dans lequel, comme dans le morceau de papier plié, il n’y a qu’un changement de position entre les parties, sans aucune augmentation ni diminution du volume ou de la masse de la matière, comment nous serait-il possible de juger du développement composé du corps d’un animal dans lequel la position relative des parties change aussi bien que le volume et la masse de ces mêmes parties ? Nous ne pouvons donc raisonner sur cela qu’en tirant quelques inductions de l’examen de la chose même dans les différents temps du développement, et en nous aidant des observations qu’on a faites sur le poulet dans l’œuf, et sur les fœtus nouvellement formés, que les accidents et les fausses couches ont souvent donné lieu d’observer.

On voit, à la vérité, le poulet dans l’œuf avant qu’il ait été couvé ; il est dans une liqueur transparente qui est contenue dans une petite bourse formée par une membrane très fine au centre de la cicatricule ; mais ce poulet n’est encore qu’un point de matière inanimée, dans lequel on ne distingue aucune organisation sensible, aucune figure bien déterminée[NdÉ 1] ; on juge seulement par la forme extérieure que l’une des extrémités est la tête, et que le reste est l’épine du dos ; le tout n’est qu’une gelée transparente qui n’a presque point de consistance. Il paraît que c’est là le premier produit de la fécondation, et que cette forme est le premier résultat du mélange qui s’est fait dans la cicatricule de la semence du mâle et de celle de la femelle ; cependant, avant que de l’assurer, il y a plusieurs choses auxquelles il faut faire attention : lorsque la poule a habité pendant quelques jours avec le coq et qu’on l’en sépare ensuite, les œufs qu’elle produit après cette sépa-

  1. Buffon affirme plus haut qu’il a vu dans la cicatricule, avant l’incubation, le poulet tout entier, et qu’il y a reconnu « la tête et l’épine du dos ». On voit que les contradictions abondent dans cette partie de son œuvre. C’est qu’en réalité elle est tout entière purement hypothétique.