Page:Buffon - Œuvres complètes, éd. Lanessan, 1884, tome IV, Partie 2.djvu/24

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la moisissure est peut-être la seule plante microscopique dont on ait parlé ; on pourrait donc croire que la nature s’est refusée à produire de très petites plantes, tandis qu’elle s’est livrée avec profusion à faire naître des animalcules ; mais nous pourrions nous tromper en adoptant cette opinion sans examen, et notre erreur pourrait bien venir en partie de ce qu’en effet les plantes se ressemblant beaucoup plus que les animaux, il est plus difficile de les reconnaître et d’en distinguer les espèces, en sorte que cette moisissure, que nous ne prenons que pour une mousse infiniment petite, pourrait être une espèce de bois ou de jardin qui serait peuplé d’un grand nombre de plantes très différentes, mais dont les différences échappent à nos yeux.

Il est vrai qu’en comparant la grandeur des animaux et des plantes elle paraîtra assez inégale ; car il y a beaucoup plus loin de la grosseur d’une baleine à celle d’un de ces prétendus animaux microscopiques que du chêne le plus élevé à la mousse dont nous parlions tout à l’heure ; et, quoique la grandeur ne soit qu’un attribut purement relatif, il est cependant utile de considérer les termes extrêmes où la nature semble s’être bornée. Le grand paraît être assez égal dans les animaux et dans les plantes ; une grosse baleine et un gros arbre sont d’un volume qui n’est pas fort inégal, tandis qu’en petit on a cru voir des animaux dont un millier réunis n’égalerait pas en volume la petite plante de la moisissure.

Au reste, la différence la plus générale et la plus sensible entre les animaux et les végétaux est celle de la forme : celle des animaux, quoique variée à l’infini, ne ressemble point à celle des plantes ; et, quoique les polypes, qui se reproduisent comme les plantes, puissent être regardés comme faisant la nuance entre les animaux et les végétaux, non seulement par la façon de se reproduire, mais encore par la forme extérieure, on peut cependant dire que la figure de quelque animal que ce soit est assez différente de la forme extérieure d’une plante pour qu’il soit difficile de s’y tromper. Les animaux peuvent, à la vérité, faire des ouvrages qui ressemblent à des plantes ou à des fleurs, mais jamais les plantes ne produiront rien de semblable à un animal ; et ces insectes[NdÉ 1] admirables, qui produisent et travaillent le corail, n’auraient pas été méconnus et pris pour des fleurs, si, par un préjugé mal fondé, on n’eût pas regardé le corail comme une plante. Ainsi les erreurs où l’on pourrait tomber, en comparant la forme des plantes à celle des animaux, ne porteront jamais que sur un petit nombre de sujets qui font la nuance entre les deux ; et plus on fera d’observations, plus on se convaincra qu’entre les animaux et les végétaux le Créateur n’a pas mis de terme fixe ; que ces deux genres d’êtres organises ont beaucoup plus de propriétés communes que de différences réelles ; que la production de l’animal ne coûte pas plus,

  1. Les animaux « qui produisent et travaillent le corail » ne sont pas des insectes mais des Cœlentérés. (Voir de Lanessan, Traité de Zoologie, II.)