Page:Buffon - Œuvres complètes, éd. Lanessan, 1884, tome IV, Partie 2.djvu/256

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la capacité de la matrice se trouve trop étroite pour qu’il puisse y demeurer, et que la contrainte où il se trouve l’oblige à faire des efforts pour sortir de sa prison ; d’autres disent, et cela revient à peu près au même, que c’est le poids du fœtus qui devient si fort que la matrice s’en trouve surchargée et qu’elle est forcée de s’ouvrir pour s’en délivrer. Ces raisons ne me paraissent pas satisfaisantes ; la matrice a toujours plus de capacité et de résistance qu’il n’en faut pour contenir un fœtus de neuf mois et pour en soutenir le poids, puisque souvent elle en contient deux, et qu’il est certain que le poids et la grandeur de deux jumeaux de huit mois, par exemple, sont plus considérables que le poids et la grandeur d’un seul enfant de neuf mois ; d’ailleurs, il arrive souvent que l’enfant de neuf mois qui vient au monde est plus petit que le fœtus de huit mois, qui cependant reste dans la matrice.

Galien a prétendu que le fœtus demeurait dans la matrice jusqu’à ce qu’il fût assez formé pour pouvoir prendre sa nourriture par la bouche, et qu’il ne sortait que par le besoin de nourriture auquel il ne pouvait satisfaire. D’autres ont dit que le fœtus se nourrissait par la bouche de la liqueur même de l’amnios, et que cette liqueur, qui dans les commencements est une lymphe nourricière, peut s’altérer sur la fin de la grossesse par le mélange de la transpiration ou de l’urine du fœtus, et que quand elle est altérée à un certain point le fœtus s’en dégoûte et ne peut plus s’en nourrir, ce qui l’oblige à faire des efforts pour sortir de son enveloppe et de la matrice. Ces raisons ne me paraissent pas meilleures que les premières ; car il s’ensuivrait de là que les fœtus les plus faibles et les plus petits resteraient nécessairement dans le sein de la mère plus longtemps que les fœtus plus forts et plus gros, ce qui cependant n’arrive pas ; d’ailleurs ce n’est pas la nourriture que le fœtus cherche dès qu’il est né, il peut s’en passer aisément pendant quelque temps ; il semble, au contraire, que la chose la plus pressée est de se débarrasser du superflu de la nourriture qu’il a prise dans le sein de la mère et de rendre le meconium. Aussi a-t-il paru plus vraisemblable à d’autres anatomistes[1] de croire que le fœtus ne sort de la matrice que pour être en état de rendre ses excréments ; ils ont imaginé que ces excréments, accumulés dans les boyaux du fœtus, lui donnent des coliques douloureuses qui lui font faire des mouvements et des efforts si grands que la matrice est enfin obligée de céder et de s’ouvrir pour le laisser sortir. J’avoue que je ne suis guère plus satisfait de cette explication que des autres ; pourquoi le fœtus ne pourrait-il pas rendre ses excréments dans l’amnios même, s’il était, en effet, pressé de les rendre ? Or cela n’est jamais arrivé ; il paraît, au contraire, que cette nécessité de rendre le méconium ne se fait sentir qu’après la naissance, et que le mouvement du diaphragme,

  1. Drelincourt est, je crois, l’auteur de cette opinion.