Page:Buffon - Œuvres complètes, éd. Lanessan, 1884, tome IV, Partie 2.djvu/255

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On croit communément que les enfants qui naissent à huit mois ne peuvent pas vivre, ou du moins qu’il en périt beaucoup plus de ceux-là que de ceux qui naissent à sept mois. Pour peu que l’on réfléchisse sur cette opinion, elle paraît n’être qu’un paradoxe, et je ne sais si, en consultant l’expérience, on ne trouvera pas que c’est une erreur : l’enfant qui vient à huit mois est plus formé, et par conséquent plus vigoureux, plus fait pour vivre que celui qui n’a que sept mois ; cependant cette opinion que les enfants de huit mois périssent plutôt que ceux de sept est assez communément reçue, et elle fondée sur l’autorité d’Aristote, qui dit : « Cæteris animantibus ferendi uteri unum est tempus, homini verò plura sunt ; quippe et septimo mense et decimo nascitur, atque etiam inter septimum et decimum positis ; qui enim mense octavo nascuntur, etsi minùs, tamen vivere possunt. » (Vide de Generat. anim., l. iv, c. ult.) Le commencement du septième mois est donc le premier terme de l’accouchement ; si le fœtus est rejeté plus tôt il meurt, pour ainsi dire sans être né ; c’est un fruit avorté qui ne prend point de nourriture, et, pour l’ordinaire, il périt subitement dans la fausse couche. Il y a, comme l’on voit, de grandes limites pour les termes de l’accouchement, puisqu’elles s’étendent depuis le septième jusqu’au neuvième et dixième mois, et peut-être jusqu’au onzième ; il naît, a la vérité, beaucoup moins d’enfants au dixième mois qu’il n’en naît dans le huitième, quoiqu’il en naisse beaucoup au septième ; mais, en général, les limites du temps de l’accouchement sont au moins de trois mois, c’est-à-dire depuis le septième jusqu’au dixième.

Les femmes qui ont fait plusieurs enfants assurent presque toutes que les femelles naissent plus tard que les mâles ; si cela est, on ne devrait pas être surpris de voir naître des enfants à dix mois, surtout des femelles. Lorsque les enfants viennent avant neuf mois, ils ne sont pas aussi gros ni aussi formés que les autres ; ceux, au contraire, qui ne viennent qu’à dix mois, ou plus tard, ont le corps sensiblement plus gros et mieux formé que ne l’est ordinairement celui des nouveau-nés ; les cheveux sont plus longs, l’accroissement des dents, quoique cachées sous les gencives, est plus avancé, le son de la voix est plus net, et le ton en est plus grave qu’aux enfants de neuf mois. On pourrait reconnaître à l’inspection du nouveau-né de combien sa naissance aurait été retardée, si les proportions du corps de tous les enfants de neuf mois étaient semblables et si les progrès de leur accroissement étaient réglés ; mais le volume du corps et son accroissement varient selon le tempérament de la mère et celui de l’enfant ; ainsi tel enfant pourra naître à dix ou onze mois, qui ne sera pas plus avancé qu’un autre qui sera né à neuf mois.

Il y a beaucoup d’incertitude sur les causes occasionnelles de l’accouchement, et l’on ne sait pas trop ce qui peut obliger le fœtus à sortir de la matrice ; les uns pensent que le fœtus ayant acquis une certaine grosseur,